« Kep tu nous fais un point sur le parcours. » A bord du trimaran bleu Lorina-Limonade-Golfe-du-Morbihan, place à la concentration. Le départ du raid côtier de Jullouville est dans deux heures. Le vent est variable, il faudra faire attention à la bascule quand celui-ci s’établira dans une seule direction. « Kep » ou « Képon », de son vrai nom Kévin Péponnet, est le tacticien du bord, les yeux de l’équipage. Il analyse le plan d’eau, le vent, et propose les options au skippeur Quentin Delapierre. Avec Bruno Mourniac, ils sont les trois marins du team Lorina Limonade embarqués jeudi 13 juillet pour cette journée de la troisième étape du Tour de France à la voile.

Avant le départ, les 29 équipages engagés courent une manche d’exhibition avec pour certains des invités à bord. Pour du beurre ? Pas vraiment. C’est l’occasion de tester le plan d’eau, parfaire les derniers réglages. Une course de plus pour oublier le début du Tour pour le moins compliqué pour les « Lorinaboys », tenants du titre et vainqueurs de trois régates en début de saison. Eux, qui étaient montés 15 fois sur le podium en 17 journées de course l’an passé, finissent 9es du raid côtier le 7 juillet avant de vivre une journée noire lors des stades nautiques de Dunkerque : deux disqualifications, une manche non courue après une collision et une deuxième place à l’ultime manche.

Différents mais complémentaires

Vingt-et-unième au soir de la première étape, l’équipage du Lorina-Limonade-Golfe-du-Morbihan fait face cette année à une concurrence plus forte, mais ne se démobilise pas. « Ils ont une capacité à rebondir et à revenir incroyable. Ils ne lâchent jamais rien. C’est peut-être là leur principale qualité », commente Christophe Gaumont, directeur sportif de la course. Et ce n’est peut-être pas la seule. L’aventure de Matthieu Salomon, Quentin Delapierre – les deux coskippeurs – Kévin Péponnet, Bruno Mourniac et Corentin Horeau, se résume en cinq « C » : compétence, complémentarité, combativité, cohésion et avant tout – et surtout – la bande de copains.

Des compétences, l’équipage du trimaran bleu n’en manque pas. « Des brillants touche-à-tout », résume Christophe Gaumont. Les cinq marins ont été repérés par la Fédération française de voile et font partie du dispositif « France Jeune Inshore » qui vise à la formation des jeunes de moins de 28 ans à potentiel. Depuis quatre ans, ils sont suivis par trois entraîneurs de la fédération : Philippe Mourniac, Philippe Michel et Baptiste Meyer. A eux quatre, Matthieu Salomon, Quentin Delapierre, Kévin Péponnet et Bruno Mourniac comptabilisent plusieurs titres de champion de France, d’Europe et du monde en différents monocoques. Et Corentin Horeau vient du Figaro, et est arrivé deuxième de la Solitaire en 2014.

L’équipage Lorina Limonade se prépare à mettre à l’eau lors de l’étape de Jullouville, le 13 juillet 2017. | Morgane Bove/ASO

« On vient d’univers très différents, résume Bruno Mourniac. L’olympisme, la course au large, le match racing, le catamaran. Cela apporte beaucoup de richesse au groupe. » Et les cinq garçons ne s’arrêtent pas au Diam 24, le bateau du Tour de France à la voile. « Nous avons volonté de voir autre chose », explique Mathieu Salomon, et chacun y va de sa discipline. Des parcours variés qui leur permettent d’être à l’aise dans tous les domaines qu’impose le nouveau format du Tour : la voile légère avec les stades nautiques et la course au large avec les raids. « Ce sont cinq jeunes très différents et complémentaires, confie Baptiste Meyer. Quentin est très sensitif, il formalise quand ça ne va pas et c’est un combattant. Kévin c’est l’artiste du groupe à la tactique, il permet de se sortir de situations compliquées. Bruno est très méthodique, il met de l’huile dans les rouages. Matthieu est un combattant qui n’aime pas perdre. Il gère aussi le projet. Corentin, le dernier arrivé, apporte de la tactique de navigation et il est très constructif. »

Quatre étapes pour défendre leur titre

A bord, pas de mot en trop et beaucoup de confiance. « Là, les gars, je ne vois rien, il faut que vous me disiez si je dois monter ou descendre », lance Quentin Delapierre, qui cherche à éviter les paquets d’algues tout en maintenant son cap. Car Lorina Limonade est l’histoire d’un collectif, d’une bande de copains qui prend plaisir à naviguer ensemble. Et si le projet est porté, à l’origine, par le duo Delapierre-Salomon, chacun apporte une pièce à l’équipage. « On n’est pas un groupe à individualités, explique Quentin Delapierre. C’est une histoire d’équipe. Il n’y a pas de postes-clés ou poubelle. Chacun a conscience de cela et s’implique. »

Une amitié et une confiance qui leur permettent de tout se dire même dans les moments durs comme en ce début de Tour. « On n’a pas beaucoup parlé sur l’eau ?, s’étonne Delapierre. C’est pas souvent le cas. J’essaie de faire parler Kévin au maximum pour l’aider à construire sa tactique, mais c’est toujours lui qui a le dernier mot. Si on ne parle pas on fait des fautes. » Communication et cohésion sur l’eau comme à terre, avec le débrief après Dunkerque pour analyser leur contre-performance. Ils sont très « exigeants les uns par rapport aux autres », selon Baptiste Meyer. « C’est génial d’être jeunes et potes mais il faut savoir aussi se professionnaliser et être à fond », explique Bruno Mourniac.

Après deux jours de régates à Jullouville, les cinq marins-copains du trimaran bleu sont heureux. Ils ont remporté cette troisième étape du Tour de France à la voile en s’imposant sur le raid côtier et sur la journée de stade nautique. Un doublé qui fait du bien au moral pour Quentin Delapierre : « Nous avons fait une très belle étape, l’équipe se remet en confiance. Nous n’avions pas arrêté d’y croire, mais gagner un acte après tous nos déboires, ça fait vraiment du bien. » Le Tour est encore long et il reste quatre étapes aux hommes de Lorina Limonade pour remonter au classement et oublier ce début de Tour. Avant la Méditerranée, l’équipage pointe à la 8place mais l’épreuve reste plus que jamais ouverte, tant le niveau est homogène en tête de flotte.