Jeudi 20 juillet, auditionnée par la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, Marlène Schiappa a expliqué son projet de création d’un dispositif de validation de l’acquis de l’expérience (VAE) des jeunes parents pour favoriser « l’insertion professionnelle des mères ».

La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a déclaré vouloir transformer les « compétences des jeunes mères » en CAP petite enfance, ou en « brevet d’Etat d’éducateur de jeunes enfants » grâce à une formation diplômante.

Tout parent en fin de congé parental et non titulaire de diplôme pourrait bénéficier de cette aide, même si les femmes sont les principales concernées. Elles représentent 97 % des parents en congés parentaux. Marlène Schiappa cible ainsi les mères dont « le CV est une page blanche, qui n’ont pas de diplôme et dont le seul argument en entretien d’embauche est j’ai élevé mes enfants » a t-elle expliqué.

« Une stratégie médiatique »

L’idée de permettre aux mères de famille d’accéder à un CAP petite enfance avait déjà été abordée par Marlène Schiappa lors d’une consultation des associations féministes au moment de son investiture, en mai 2017. La secrétaire d’Etat avait reçu un mauvais accueil. « D’un avis unanime, les associations lui ont indiqué que son projet n’était pas une solution au vrai problème que rencontrent les mères. Il ne permettait ni de reconnaître leur travail en tant que parent, ni de les soutenir » explique Raphaëlle Rémy-Leleu, porte parole d’Osez le féminisme.

Deux mois plus tard, c’est surprises et suspicieuses que les membres de l’association féministe Osez le féminisme apprend que le projet est de nouveau abordé par la secrétaire d’Etat. Car cette proposition est mise sur la table au moment où est rendue publique une coupe budgétaire de 25 % dans le budget du secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes et qu’une manifestation devait se tenir le vendredi 21 juillet devant le ministère de l’économie. Osez le féminisme dénonce à travers sa porte-parole une forme de « contre-feu, une stratégie médiatique pour dissimuler les débats concernant les moyens alloués aux droits des femmes ».

Sur le fond de la déclaration de Marlène Schiappa, l’association féministe pointe du doigt une erreur d’analyse du problème. Pour Raphaëlle Rémy-Laleu, c’est sur la difficulté à concilier vie familiale et professionnelle (ou étudiante) des jeunes mères qu’il faut se concentrer. Osez le féminisme dénonce notamment la « rareté des structures publiques soutenant la parentalité, comme les crèches », qui imposent aux parents une prise en charge de l’enfant à temps plein.

Les professionnels de la petite enfance se sentent décrédibilisés

L’agacement après les propos de Marlène Schiappa devant l’Assemblée vient également des professionnels de la petite enfance. Le 20 juillet, la pétition « Marlène Schiappa, non à la dévalorisation de la petite enfance » a été lancée en ligne et a recueilli plus de 3 500 signatures en une journée. Dans son texte, l’auteure anonyme demande à la secrétaire d’Etat de l’aide pour « faire comprendre que le monde de l’enfance n’est pas exempt de rigueur et de connaissances intellectuelles ».

La Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (FNEJE) partage ce point de vue. Dans une tribune adressée à la secrétaire d’Etat, Julie Marty Pichon, coprésidente de la FNEJE, explique son « indignation » concernant les déclarations de Marlène Schiappa, qui démontrent selon elle « l’ignorance des enjeux de l’accompagnement des jeunes enfants et de leurs familles dans notre société ».

Elle pointe la différence de compétences développées entre les parents et les professionnels de la petite enfance : « L’accompagnement des personnes en situation de fragilité et de vulnérabilité que sont les jeunes enfants ne s’improvise pas ».

L’enjeu affectif, absent des relations professionnel-enfant et omniprésent au sein de la famille, est cité en exemple : « la mère ou le père ont avec leur enfant des relations humaines très spécifiques, fondées sur le lien d’attachement ».

Plusieurs points d’ombre demeurent concernant le projet de Marlène Schiappa. Les coûts d’une validation des acquis de l’expérience sont variables d’un certificateur à l’autre et la porte-parole d’Osons le féminisme évoque un dispositif « très complexe, qui prend du temps et qui coûte cher ». Des mesures de financement existent, en fonction du statut du candidat, reste à savoir comment le secrétariat d’Etat mettra en place son projet s’il aboutit. Il reste également à définir quel diplôme sera délivré à la suite de la formation, une question actuellement débattue avec le Ministère de l’éducation.