A Pessac-Léognan, près de Bordeaux, en octobre 2013. | Bob Edme / AP

Dure année pour les vignerons. Bordelais, mais aussi Charentes, Alsace et Jura : les vendanges devraient être lourdement pénalisées cette année par les gels du printemps et les volumes de vin attendus pourraient être « historiquement bas », selon le ministère de l’agriculture.

« A 37,6 millions d’hectolitres, la récolte 2017 devrait être inférieure de 17 % à celle de 2016 et de 16 % à la moyenne des cinq dernières années », déclare Agreste, le bureau des statistiques du ministère de l’agriculture, dans sa dernière parution. Cette récolte serait alors « historiquement basse et inférieure à celle de 1991, concernée elle aussi par un gel sévère », ajoute la publication.

Tous les bassins viticoles ont été touchés par un gel sévère au printemps. Mais les bassins du Sud-Ouest, notamment du Bordelais, des Charentes, mais aussi d’Alsace et du Jura seraient les plus affectés. Des pertes dues à la grêle sont aussi à prévoir en Bourgogne-Beaujolais, dans le Sud-Ouest, Languedoc et Sud-Est.

Les vignobles du pourtour méditerranéen sont pour leur part affectés par un autre phénomène, également lié à un aléa météo, la « coulure », c’est-à-dire la chute des fleurs ou des jeunes baies, due en général à un incident au moment de la floraison et de la fécondation.

Les vins pour eaux-de-vie les plus touchés

Ce phénomène touche particulièrement les cépages grenache de la vallée du Rhône. Dans le détail, les vins pour eaux-de-vie (cognac par exemple) pourraient être les plus touchés par la chute de récolte. Selon les estimations du ministère, la récolte de vins pour eaux-de-vie devrait chuter de 31 %, à 5,36 millions d’hectolitres, contre 7,72 millions d’hectolitres en 2016 et 8,21 millions d’hectolitres en moyenne entre 2012 et 2016.

Pour les vins AOP (appellations d’origine protégée), le recul devrait s’élever à 12 %, à 18,45 millions d’hectolitres, contre 20,9 millions en 2016. Les vins IGP (indication géographique protégée) devraient reculer de 15 %, à 10,89 millions d’hectolitres, contre 12,8 l’an passé.

Enfin pour les vins sans indication géographique, le recul de production est estimé à 27 %, à 2,9 millions d’hectolitres, contre 3,9 millions en 2016.

Pour tenter de dédramatiser, Philippe Faur-Brac, sommelier qui a remporté le concours de meilleur sommelier du monde en 1992, a rappelé à l’Agence France-Presse ce dicton de vigneron : « Août fait le raisin, septembre fait le vin. » Et d’ajouter :

« Il est encore trop tôt pour tirer une conclusion sur la qualité du vin de cette année qui dépendra du climat jusqu’aux vendanges, et des conditions de récolte. Pour l’instant, les conditions climatiques ne sont pas mauvaises du tout, mais sur la quantité ce sera économiquement très tendu, c’est sûr. »

L’année 1991 fut un « mauvais cru », non seulement en raison du gel, mais aussi de « conditions de récoltes pas terribles », a-t-il fait valoir.

Systèmes de « réserves »

Principal espoir de rééquilibrage, les systèmes de « réserves » pratiqués par certains vignobles comme le chablis ou le champagne, où une partie du vin est gardée d’une année sur l’autre sans être commercialisée, comme assurance. Ce qui permet de lisser l’incidence des aléas climatiques. « Comme 2016 était un grand millésime, cela permettra dans certaines régions de réguler les volumes et la qualité », a estimé M. Faure Brac.

Mais toutes les régions ne pratiquent pas ce système. Et les viticulteurs français sont loin d’être tous assurés contre le gel ou la grêle : seuls 25 % d’entre eux le sont.

Certaines propriétés qui ont « peu de stock », « peu de trésorerie », et qui ont déjà subi un gel ou de la grêle l’an passé vont être en situation « difficile », relève Bernard Farges, président du comité national des AOP-AOC :

« Nous travaillons avec le ministère pour mettre sur pied des mesures structurelles passant par une amélioration du régime assurantiel et du régime fiscal d’épargne. »

Ces mesures ne régleront pas le problème de cette année. Et il sera d’autant plus difficile à gérer que l’appel aux fonds solidarité de calamité naturelle n’est pas possible non plus, puisque ces dégâts sont théoriquement assurables.