Sur la scène du Pokémon Go Fest, John Hanke, le président de Niantic, tente de calmer les joueurs. | Niantic

Il paraît loin le temps où le jeu en réalité augmentée Pokémon Go était un phénomène mondial, faisant les gros titres des journaux, emplissant les parcs de joueurs plus ou moins jeunes qui, les yeux rivés sur l’écran de leur téléphone portable, capturaient à l’infini les créatures tirées de l’univers de Nintendo.

C’était le 6 juillet 2016 aux Etats-Unis, le 24 en France, et un an plus tard, cela paraît être un siècle tant, dans le cœur comme dans les mains des ados, le « hand spinner » a remplacé le jeu de Niantic.

C’est pour tenter de redonner un coup de fouet à son titre que, que, depuis dimanche, et jusqu’à mardi à 2 heures du matin, le studio propose aux joueurs du monde entier divers bonus et créatures nouvelles à capturer.

Sur le papier, opération réussie : l’événement a même permis à Pokémon Go de revenir dans le top 10 des applications les plus rentables sur Android, et même de décrocher la première sur l’AppStore.

Sur les réseaux sociaux, les observateurs les plus attentifs repèrent dès samedi les joueurs redescendre dans la rue et dans les parcs.

En ligne, certains s’échangent des astuces pour tenter de capturer les deux nouveaux Pokémon légendaires, Artikodin et Lugia, venus enrichir le bestiaire du jeu.

L’esprit des débuts est d’ailleurs ressuscité jusque dans ses mauvais côtés. Dans les zones les moins urbaines, certains sont confrontés à l’un des problèmes récurrents de Pokémon Go : la faible densité de créatures à capturer.

A leur corps défendant, d’autres font même la difficile expérience des serveurs saturés qui étaient monnaie courante lors du lancement, difficile, de Pokémon Go.

Bref : pour le pire (un peu) et pour le meilleur (beaucoup) l’esprit des débuts est, pendant 48 heures du moins, ressuscité.

Les choses se gâtent

Mais tout le monde ne l’a pas vécu de la même façon, provoquant un « bad buzz » dont se serait bien passé Niantic.

Au Grant Park de Chicago se tenait le Pokémon Go Fest, un rassemblement public en plein air qui, samedi, a ouvert ces journées de festivités. Ce devait être le clou du spectacle autant que sa vitrine médiatique. 20 000 fans devaient pouvoir s’y retrouver, et travailler ensemble à la résolution de défis. L’un d’entre eux permettait par exemple de capturer un Pokémon légendaire. L’autre devait servir à déterminer lequel des six bonus proposés par Niantic s’appliquerait 48 heures durant dans le monde entier.

« Devait. » Car rien ne s’est passé comme prévu.

Une fois de plus dépassé par son succès (les places, vendues 20 dollars, étaient pourtant limitées), Niantic n’a en effet pas pu faire entrer immédiatement tout le monde sur le site. Des témoignages concordant parlent d’au moins deux heures d’attente. Sur place, un des festivaliers raconte qu’à midi, les trois quarts du public attendaient encore au dehors.

« Vous savez que 75 % de vos clients payants attendent encore dehors ? Il faut probablement attendre 2 ou 3 heures pour accéder à ce parc minuscule. Qu’est-ce qui vous a pris ? »

D’autant que pendant ce temps, impossible de jouer, faute de Pokémons aux abords de la file d’attente : il n’y avait rien d’autre à faire que d’attendre. Et s’ennuyer.

« Pourquoi n’y a-t-il pas de Pokémon à attraper dans cette queue de 5 kilomètres ? Vous auriez pu faire un effort les gars. »

Pire : les problèmes ne se sont pas vraiment résolus par magie une fois à l’intérieur. Car Pokémon Go est un jeu qui se pratique nécessairement avec une connexion Internet. Or, la concentration de 20 000 personnes cherchant à se connecter au même endroit a eu raison du réseau proposé par les opérateurs mobiles : une partie des joueurs a rapidement été dans l’impossibilité de lancer le jeu.

Quant à ceux qui y sont parvenus malgré tout, ils ont souvent été confrontés à deux bugs, le premier interdisant de s’authentifier, le second faisant planter le jeu. La faute aux serveurs de Niantic, aussi saturés qu’aux pires heures du lancement du jeu, il y a un an. Pas sûr que ce soit le genre de souvenirs que le studio espérait convoquer…

Sifflets et huées

Ce qui aurait dû être une grande fête pour Niantic et ses adeptes a alors tourné au cauchemar. Impossible pour les organisateurs de faire un pas sur la scène de l’événement sans essuyer les sifflets d’une foule en colère.

Tout le monde y passe. Le DJ un peu piteux, les animatrices qui évitent les jets de bouteille d’eau, le vidéaste mystic7 venu mettre l’ambiance (c’est raté), et même le président du studio Niantic pourtant venu s’excuser : tous voient leurs discours couverts par les huées et les moqueries.

Pokemon GO Fest Stream Supercut - Savagely Seasoned Cringe

Dans des vidéos publiées en ligne, on voit les employés de Niantic, sourds à la bronca, tenter malgré tout d’animer la journée avec une bonne humeur et un enthousiasme qui tranchent avec les invectives (« on ne peut pas jouer ! », « réparez le jeu ! ») qui s’élèvent, impitoyables, de la foule.

Un journaliste de Forbes est allé jusqu’à comparer la débâcle à celle d’un autre festival récent : le Fyre Music Festival, un festival mondain dont les billets coûtaient 12 000 dollars, qui n’avait rien de l’événement ultra-luxueux promis – au point de provoquer son report.

« A ce stade, on peut considérer que c’est le Fyre Festival du jeu vidéo. »

S’il n’a pas été annulé, le Pokémon Go Fest a tout de même été un échec retentissant : ses organisateurs l’ont d’ailleurs reconnu, remboursant les billets des 20 000 spectateurs en plus de leur offrir l’équivalent de 100 dollars à dépenser sur la boutique en ligne du jeu, ainsi que la possibilité d’ajouter Lugia à leur bestiaire, l’un des Pokémon légendaires qu’ils étaient dans l’impossibilité technique de capturer.

« Pour se faire pardonner, Niantic a aussi activé tous les bonus pour lesquels pouvaient se battre les joueurs, alors qu’à la base ils devaient choisir entre l’un des six, précise Alvin Haddadène, coauteur de Génération Pokémon - 20 ans d’évolutions. Mais les gens sont un peu dégoûtés quand même. »

Le 16 septembre, Niantic organisera au centre commercial Les 4 Temps à La Défense (Hauts-de-Seine) un événement similaire, le Pokémon Go Safari Zone, qui devrait normalement permettre aux joueurs français de capturer des Pokémon d’habitude introuvables en Europe.