Le président polonais Andrzej Duda, le 24 juillet à Varsovie. | KACPER PEMPEL / REUTERS

Le double veto brandi par le président de la République polonais suffira-t-il à apaiser la rue ? Andrzej Duda a annoncé lundi 24 juillet son intention d’opposer un double veto aux lois controversées sur la Cour suprême et sur le statut du Conseil national de la magistrature. Pour justifier son choix, il a indiqué qu’« il n’y a pas en Pologne de tradition juridique et constitutionnelle pour des prérogatives aussi larges du procureur général [et du ministre de la justice] en matière de nomination des juges ».

En dépit des mises en garde de Bruxelles, des « inquiétudes » de Washington et de la pression de la rue, le Sénat polonais avait adopté, dans la nuit de vendredi à samedi, la loi controversée sur la Cour suprême. Le texte, qui prévoit l’arrêt immédiat du mandat de tous les membres de l’institution, fait l’objet d’un vaste bras de fer entre le pouvoir et l’opposition.

« Coup d’Etat »

Durant tout week-end, des dizaines de milliers de personnes ont protesté à Varsovie et dans de nombreuses villes de province, appelant le président à s’apposer à la reprise en main de l’a justice par la majorité PiS (Parti Droit et justice) au pouvoir. Les manifestants se sont notamment réunis devant le palais présidentiel, le Parlement, et le domicile de Jaroslaw Kaczynski, chef du parti au pouvoir et véritable homme fort du pays. Selon un sondage, 55 % des Polonais étaient en faveur d’un veto présidentiel sur ces textes qui, de l’avis des juristes, remettent en cause le principe de séparation des pouvoirs et concrétisent une « politisation » du système judiciaire.

Le porte-parole de la présidence de la République, Krzysztof Lapinski, avait admis samedi que « le président, en tant que juriste, a noté de manière claire que les travaux sur la loi à la Diète [la Chambre basse du Parlement] n’ont pas respecté une certaine régularité législative ».

L’opposition, de son côté, n’a pas hésité à parler de « coup d’Etat ». Pour Borys Budka, député de la Plate-forme civique (PO, centre droit) et ancien ministre de la justice, « toutes les procédures parlementaires classiques ont été enfreintes lors de l’adoption de ce texte. La loi a été adoptée de manière extrêmement rapide. Les députés ont eu quinze minutes pour prendre connaissance de près de 1 500 amendements, et ces derniers ont été votés en bloc, dans un véritable chaos ».

Le Sénat avait adopté « l’amendement présidentiel » prévoyant que les membres du Conseil national de magistrature soient élus à une majorité qualifiée des trois cinquièmes de la Diète, et non pas à une majorité simple comme le prévoyait le texte initial. Mais de l’avis de l’opposition, la mesure a été vidée de sa substance, car elle laissait d’importantes prérogatives au ministre de la justice.