La polémique sur la baisse des aides au logement n’est pas près de retomber. Mardi 25 juillet, le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, a promis une « réforme globale des aides personnelles au logement » à l’automne, pour mettre fin à un « système pervers », selon lui responsable d’une inflation des loyers.

« Nous avons un budget d’APL [aide personnalisée au logement] de 19 milliards d’euros, un budget d’aides au logement de 30 milliards d’euros, ce qui est le record en Europe, avec en corollaire : pas suffisamment de logements et des loyers trop importants. Il y a donc un problème. »

« Quand on met 1 euro de plus sur l’APL, ça fait 78 centimes de hausse des loyers il faudra bien sortir de ce système qui est pervers », a poursuivi le ministre sur RTL, défendant la baisse très critiquée, à partir d’octobre, de 5 euros mensuels des aides personnelles au logement annoncée par le gouvernement.

Interrogé pour savoir si cette baisse s’appliquerait au-delà des trois derniers mois de l’année 2017, Jacques Mézard a répondu : « En l’état, nous sommes sur le budget 2017, ce budget, il faut le boucler, a-t-il dit. Nous devons engager une réforme globale des aides personnelles au logement. »

« C’est quelque chose qui est tout à fait indispensable parce que c’est comme un camion fou, un bateau ivre, nous sommes avec des montants qu’il faut arriver à maîtriser mais surtout avec des réformes structurelles à mettre en place. »

« Ce qui justifie aussi une réforme, c’est que le coût de fonctionnement des APL est de 600 millions d’euros, a affirmé le ministre. Nous travaillons sur un projet de loi logement (…) qui sera prêt à l’automne. »

Inquiétude des bailleurs sociaux

Les annonces de Jacques Mézard ne sont pas de nature à rassurer les bailleurs sociaux. « Dans le monde HLM où les loyers sont réglementés, ces aides profitent intégralement à leurs 3 millions de bénéficiaires », rappelle Frédéric Paul, directeur général de l’USH (Union sociale de l’habitat, 640 bailleurs sociaux), pour qui le discours du ministre est « extrêmement dramatisant et stigmatisant pour les personnes les plus modestes ».

« 55 % des 19 milliards d’euros d’aides au logement sont versés par l’Etat aux locataires du parc privé, des sommes captées par les propriétaires bailleurs. (…) C’est dans le privé que la politique du logement alimente la hausse des prix. »

Très critique, François Pupponi, maire PS de Sarcelles et ex-président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), estime que « l’équation c’est de dire aux bailleurs et aux constructeurs : combien vous faut-il d’aides à la pierre pour avoir un prix de sortie du loyer acceptable pour les Français ? Or personne n’accepte de faire le calcul. »

« L’idée de baisser de façon aveugle et inique de 5 euros les APL pour tout le monde n’a pas été envisagée, et surtout pas mise en œuvre » par le gouvernement précédent, a assuré de son côté Boris Vallaud, en réponse à une déclaration du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, lundi, qui estimait que la mesure avait été décidée sous le gouvernement précédent.

Le député des Landes dit attendre d’en savoir plus sur le contenu de la réforme envisagée par M. Mézard. « S’il s’agit de baisser de 45 euros les APL pour financer l’ISF ce serait une très mauvaise nouvelle, juge-t-il. S’il s’agit de (…) savoir comment rendre ces APL moins inflationnistes sur le prix des loyers, ça c’est un sujet intéressant. »

« Coup de rabot » pour les plus modestes

Plus vindicatif, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière (FO), a fustigé la réduction des APL, parlant de « coup de rabot », qui « va percuter les étudiants et les personnes modestes ».

« En même temps, on dit qu’on va simplifier l’ISF ! C’est deux poids deux mesures et cela est perçu par la population (…). Il ne manquerait plus que demain ils suppriment les contrats aidés et diminuent les minima sociaux et la boucle sera bouclée. Je pense que le gouvernement et le président commencent à être confrontés à la réalité des problèmes. »

« L’ennemi public numéro un de la France ce n’est pas le retraité ou l’étudiant, a fait valoir de son côté Eric Woerth, député LR de l’Oise. Il faut réformer le pays, il faut limiter la dépense publique de façon considérable, mais par des réformes de fond (…), mais pas de la pire manière. Et la pire manière c’est le coup de rabot, sans en parler à personne, au cœur de l’été. »

L’aide au logement en chiffres

– 6,5 millions de bénéficiaires dont 3 millions dans le parc social.

– 95 % de locataires.

– 53 % sont des personnes isolées.

– 60 % vivent sous le seuil de pauvreté.

– 18 milliards d’euros : coût pour l’Etat en 2016.

18,5 milliards d’euros : coût prévu en 2017.

– 2,8 millions d’allocataires : nombre de personnes allocataires de l’aide personnalisée au logement (APL), dont 800 000 étudiants (montant moyen : 250 euros).

– 1,3 million de familles : ayants droit à l’allocation locative familiale (ALF) (montant moyen : 321 euros).

– 2,4 millions de ménages locataires : personnes qui reçoivent l’allocation de logement à caractère social (ALS) (montant moyen : 195 euros).