L’avis du « Monde » - Pourquoi pas

Vingt ans après. C’est le temps qu’il faut pour qu’une histoire se fasse grave, mélancolique. Buena Vista Social Club Adios, c’est le « vingt ans après » des virtuoses cubains ramenés à la lumière, à la fin des années 1990, par le producteur britannique Nick Gold, le musicien angeleno Ry Cooder, bientôt rejoints par le cinéaste allemand Wim Wenders.

Deux décennies après que le monde eut (re) fait connaissance avec la musique acoustique cubaine, celle des années de la dictature Batista, qui fut emportée par le flot de la révolution, après que Chan Chan, la composition de Compay Segundo, fut devenue un succès planétaire et la bande originale de tant de publicités, la documentariste britannique Lucy Walker a entrepris de faire le portrait des survivants de la troupe réunie en 1996 par Nick Gold, Ry Cooder, Juan de Marcos Gonzalez dans le vieux studio du label d’Etat Egrem, à La Havane. Malgré l’abondance de matériaux (le film de Wenders, les captations de concert, les entretiens sortis des archives ou réalisés pour l’occasion), il manque quelque chose à ce retour sur l’étrange destin de ces septuagénaires ou octogénaires, frappés par la gloire au soir de leur vie.

Pensums et moments de grâce

Compay Segundo (1907-2003), Ibrahim Ferrer (1927-2005), Cachaito Lopez (1933-2009) et leurs camarades (Omara Portuondo, Eliades Ochoa, Guajiro Mirabal) ont traversé l’histoire cubaine en jouant de la musique. Leur gloire au temps où La Havane était le défouloir des Etats-Unis, leur obscurité pendant les quatre décennies qui ont suivi la révolution, ont été maintes fois analysées, mais Lucy Walker évite soigneusement d’évoquer dans son film ce qui fâcherait les autorités cubaines : la gestion politique de l’art par le régime castriste, la misère matérielle des Cubains après l’effondrement du bloc soviétique, l’attitude ambiguë de La Havane face au succès mondial de Buena Vista Social Club – l’album et le groupe.

On n’en perçoit que des bribes pendant que l’essentiel du film est occupé par des images montées de façon plutôt brouillonne, qui font coexister de vrais pensums (le guitariste Eliades Ochoa se répète à l’infini en évoquant les racines régionales de sa musique, probablement pour éviter de dire des choses qui lui vaudraient des ennuis) et des moments de grâce, comme les interventions de la chanteuse Omara Portuondo, désormais doyenne de la troupe, ou la coopération entre le trompettiste Guajiro Mirabal et son petit-fils Guajirito. C’est assez pour maintenir l’intérêt de ceux et celles qui ont aimé la musique des membres du Club au point de vouloir mieux connaître les vieillards qui la jouaient, c’est insuffisant pour faire un film.

BUENA VISTA SOCIAL CLUB : ADIOS - Bande-annonce VOST

Documentaire américain et cubain de Lucy Walker (1 h 50). Sur le web : www.metrofilms.com/films/buena-vista-social-club-adios, www.facebook.com/BuenaVistaSocialClubAdios