Emmanuel Macron entouré du premier ministre libyen Faïez Sarraj (à gauche) et du maréchal Khalifa Haftar, à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), le 25 juillet. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Editorial du « Monde » Il faut souhaiter plein succès à l’initiative française sur la Libye. L’accord obtenu entre les deux principaux protagonistes de la scène politique libyenne, mardi 25 juillet près de Paris, n’est encore qu’une promesse, un engagement à concrétiser sur le terrain. Mais il fallait un premier pas et Emmanuel Macron ne manquait pas de bonnes raisons pour s’y risquer. Il a bien fait. C’est dans la forme que l’affaire est plus critiquable – et, en diplomatie, la forme, ça compte.

Le chaos libyen déstabilise l’Afrique sahélienne et favorise l’implantation de Daech ou d’Al-Qaida

La Libye est une priorité pour l’Europe, a fait valoir le président français. Le chaos sanglant qui règne dans cet immense pays – entre Sahel, Egypte et Tunisie – depuis la révolution anti-Kadhafi, il y a six ans, est une menace à facettes multiples. Il pèse sur la stabilité de l’Afrique sahélienne, terre de tous les trafics, où djihadisme et gangstérisme vont souvent de pair.

Il est au cœur d’une immigration incontrôlée, source d’infinis malheurs : le traitement des Africains candidats à l’entrée en Europe, livrés à des réseaux de passeurs de type esclavagiste, est inhumain ; l’aventure en mer que leur vendent, cher, ces mêmes réseaux, se termine souvent dans le drame. Enfin, le chaos libyen est propice à l’implantation des djihadistes de l’Etat islamique ou d’Al-Qaida à quelques encablures de l’Europe.

Un cessez-le-feu et des élections

Tout cela est vrai – sans compter l’enfer que vivent les Libyens eux-mêmes dans un pays qui est, ici et là, encore sous la tutelle de milices armées ; où les revenus tirés du pétrole se sont effondrés et où l’absence d’Etat central se fait tragiquement sentir.

Sous l’impulsion personnelle du président Macron, la France a obtenu des deux hommes qui représentent l’essentiel du pouvoir politique en Libye, l’un à l’ouest du pays, l’autre à l’est, qu’ils s’engagent sur un cessez-le-feu et des élections. Il s’agit, pour le premier, du chef du gouvernement « d’union nationale », que reconnaît l’ONU, Faïez Sarraj et, pour le second, du maréchal Khalifa Haftar, patron de l’armée libyenne, en quête de pouvoir et de reconnaissance.

En recevant le maréchal Haftar, Emmanuel Macron lui a conféré une légitimité internationale qui lui manquait.

Tenant compte du poids acquis par Khalifa Haftar sur le terrain, Emmanuel Macron, premier chef d’Etat occidental à recevoir le maréchal, lui confère une légitimité internationale qui lui manquait.

En échange, Haftar, volontiers soupçonné d’incarner une tentation prétorienne réminiscente du khadafisme, accepte le principe d’élections (qu’il se fait fort de remporter) législatives et présidentielle en 2018.

Personne ne sait si ces scrutins pourront être organisés dans l’état où se trouve le pays. La dynamique engagée mardi est sans garantie. Mais, encore une fois, elle a le mérite d’exister. C’est la forme qui pèche.

Comme du temps de la « diplomatie Sarkozy »

La France ignore un partenaire essentiel en Libye, l’Italie, ex-puissance coloniale. Paris fait une bien mauvaise manière à Rome. L’Italie est en première ligne face aux flux migratoires. Elle est sérieusement engagée en Libye, sur le plan humanitaire notamment. La France ignore aussi le Royaume-Uni, impliqué, lui, sur le plan militaire.

Bref, jouant un « coup » en solitaire comme du temps de la « diplomatie Sarkozy », la France ignore l’Union européenne (UE) – une fois de plus. C’est une erreur.

Il fallait associer la chef de la diplomatie de l’UE, l’Italienne Federica Mogherini. Il fallait impliquer l’UE, ne serait-ce que dans le suivi de cette initiative. On n’en attendait pas moins d’un président qui affiche volontiers ses convictions européennes. Est-il trop tard pour bien faire ?