Version définitive de l'arbre généalogique de la famille de Grégory Villemin. | Le Monde

Trois heures de face-à-face n’y auront rien changé. Très attendue, la confrontation organisée vendredi 28 juillet à Dijon entre Murielle Bolle, témoin clef de l’affaire Grégory, et un de ses cousins n’a pas apporté de percée dans l’enquête, « chacun des protagonistes » étant resté « sur ses positions », a fait savoir le procureur général, Jean-Jacques Bosc.

Murielle Bolle « a réitéré qu’elle n’avait pas fait l’objet de violences », alors que son cousin « a confirmé ses déclarations », affirmant qu’elle avait été rouée de coups et amenée par sa famille à revenir sur son témoignage incriminant son beau-frère, Bernard Laroche, a ajouté le magistrat lors d’une courte conférence de presse, tenue à l’issue de la confrontation.

« Parole contre parole »

Murielle Bolle a également affirmé qu’elle « ne connaissait pas » ce parent, « qui est quand même son cousin germain », a relevé le procureur. « On est parole contre parole », a déclaré aux journalistes Me Jean-Christophe Tymoczko, qui défend le cousin de Murielle Bolle, entendu pour la première fois fin juin, trente-deux ans après le crime.

« Les deux discours ne concordent pas. De ce côté-là, on n’a pas beaucoup avancé », a résumé Me Jean-Paul Teissonnière, l’un des avocats de Murielle Bolle. « Le mythomane a encore frappé », a renchéri un autre de ses conseils, Me Christophe Ballorin.

Au cœur des investigations : la rétractation éclair, il y a plus de trente-deux ans, de celle qui était alors adolescente, après un témoignage accablant son beau-frère, Bernard Laroche, pour le rapt de Grégory, 4 ans, retrouvé mort dans la Vologne le 16 octobre 1984.

Selon le procureur général, qui a jugé que le cousin était un témoin « crédible », « l’information [judiciaire] se poursuit. Il y a une commission rogatoire et les gendarmes poursuivent les investigations ». « Il y a une possibilité pour les témoins [qui le souhaiteraient] de faire une déclaration sous couvert de l’anonymat », a déclaré le magistrat en réponse à une question d’un journaliste.

De mai 1981 à juin 2017, toute l’affaire Grégory en quelques dates

Christine et Jean-Marie Villemin, les parents du petit Grégory, 4 ans, retrouvé noyé le 16 octobre 1984, pieds et poings liés dans la Vologne, sont assis, le 23 novembre 1984, à la table de leur salle à manger sur laquelle est posée une assiette à l’effigie de leur enfant. | ERIC FEFERBERG / AFP

De mai 1981 à mai 1983

Un mystérieux corbeau a harcelé Albert Villemin, le grand-père de Grégory, de centaines d’appels malveillants évoquant des secrets de famille.

16 octobre 1984

Le corbeau s’est ensuite tu, jusqu’au 16 octobre 1984 où, il a appelé Michel Villemin, oncle de Grégory, pour revendiquer l’assassinat du petit garçon moins d’une heure après sa disparition : « Je me suis vengé. J’ai pris le fils duchef. Je l’ai mis dans la Vologne. »

Grégory Villemin avait 4 ans et semblait assoupi quand les gendarmes ont repêché, vers 21 h 15, son petit corps vêtu d’un anorak bleu, pieds et poignets entravés par des cordelettes, plaqué contre un barrage de la Vologne, une rivière vosgienne.

Une lettre du corbeau arrivera le lendemain chez Jean-Marie Villemin, le père de Grégory : « J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. »

5 novembre 1984

Bernard Laroche, cousin germain de Jean-Marie Villemin, est arrêté et inculpé du meurtre de son neveu, Grégory, sur la foi des déclarations de sa belle-sœur, Murielle Bolle, alors âgée de 15 ans. Un temps incarcéré, il est remis en liberté le 4 février 1985.

29 mars 1985

Vers 12 h 30, Jean-Marie Villemin, jeune contremaître de 26 ans, convaincu qu’il tenait là le responsable de la mort de son fils Grégory, tue d’un coup de fusil Bernard Laroche, 30 ans, contremaître, lui aussi, dans une entreprise de tissage.

5 juillet 1985

Alors que son mari est inculpé de l’assassinat de Bernard Laroche, Christine Villemin, la mère de Grégory, est elle-même désignée comme un possible corbeau par des expertises graphologiques. Elle est inculpée et incarcérée. Libérée onze jours plus tard sous contrôle judiciaire, elle a bénéficié le 3 février 1993 d’un non-lieu retentissant pour « absence totale de charges ».

16 décembre 1993

Jean-Marie Villemin est condamné à cinq ans d’emprisonnement, dont un avec sursis, pour l’assassinat de Bernard Laroche. Ayant purgé l’essentiel de sa peine en détention préventive, il est libéré deux semaines plus tard.

1999

L’affaire a été rouverte en 1999, puis en 2008, pour tenter de confondre d’hypothétiques traces d’ADN sur les scellés.

2004

En février, la dépouille de Grégory est exhumée du cimetière de Lépanges et incinérée à Epinal, le couple Villemin ayant conservé la moitié des cendres. En juin, l’Etat est condamné à verser à chacun des époux Villemin 35 000 euros pour dysfonctionnement de la justice. Aujourd’hui âgés de 56 et 58 ans, ils sont installés en région parisienne et ont trois autres enfants.

Décembre 2008

Devançant la prescription de l’affaire qui s’annonçait pour avril 2011, Jean-Marie et Christine Villemin obtiennent de la cour d’appel de Dijon la réouverture de l’enquête pour de nouvelles recherches d’ADN, après l’échec des précédentes menées en 2000-2001.

2010

Michel Villemin, oncle de Grégory et frère de Jean-Marie, meurt.

2013

La mise au jour de nouvelles traces d’ADN sur les cordelettes ayant servi à entraver le corps de l’enfant relance l’affaire. Mais le procureur général de la cour d’appel de Dijon, Jean-Marie Beney, avait ensuite annoncé que les analyses effectuées ne permettaient pas de mettre un nom sur les profils des ADN relevés.

14 juin 2017

Soupçonnés de complicité d’assassinat, de non-dénonciation de crime, de non-assistance à personne en danger et d’abstention volontaire d’empêcher un crime, Marcel Jacob, l’oncle maternel de Jean-Marie Villemin, et son épouse, Jacqueline, septuagénaires, sont interpellés dans le village d’Aumontzey (Vosges), tandis que Ginette Villemin, veuve de Michel Villemin, est interpellée à Arches, à moins de 30 kilomètres de là. De leur côté, les grands-parents paternels de Grégory, Monique et Albert Villemin, sont entendus à leur domicile comme simples témoins en raison de leur grand âge et de l’état de santé de Mme Villemin. Parallèlement, Murielle Bolle est convoquée à la gendarmerie de Bruyères (Vosges), où elle a fait l’objet d’un prélèvement ADN avant de ressortir libre.

16 juin 2017

Jacqueline et Marcel Jacob, grand-tante et grand-oncle de Grégory Villemin, ont été mis en examen pour enlèvement et séquestration suivie de mort, trente-deux ans après le meurtre du garçon.

20 juin

Les époux Jacob sont remis en liberté sous contrôle judiciaire strict. Ils ont notamment l’obligation de pointer à la gendarmerie, de ne pas s’exprimer dans les médias et vivent séparés, dans des lieux tenus secrets.

29 juin

Après vingt-quatre heures de garde à vue, Murielle Bolle, 48 ans, est mise en examen pour « enlèvement suivi de mort » et incarcérée. Agée de 15 ans lors de la disparition de Grégory Villemin, elle avait affirmé, avant de se rétracter, avoir vu son beau-frère Bernard Laroche emmener l’enfant dans sa voiture. Le procureur général évoque « un témoignage très précis » d’un cousin, selon lequel elle s’est rétractée après avoir subi des violences de son entourage.

11 juillet

Murielle Bolle, toujours incarcérée pour éviter qu’elle ne communique avec des membres de sa famille, arrête sa grève de la faim entamée une semaine auparavant, pour préparer la confrontation avec son cousin. Parallèlement, BFM-TV dévoile des extraits des carnets du juge Simon – qui avait repris à zéro l’enquête en 1987 –, dans lesquels il souligne les manquements du juge Lambert, premier magistrat à avoir instruit l’affaire. Le soir même, le juge Lambert est retrouvé mort, un sac en plastique noué sur la tête à l’aide d’un foulard.

Comprendre l'affaire Grégory en 4 minutes
Durée : 03:57