L’ex-ministre et homme d’affaires Shahid Khaqan Abbasi, élu premier ministre du Pakistan, le 1er août à Islamabad. | AAMIR QURESHI / AFP

L’issue du vote ne faisait guère de doute. Le Parlement du Pakistan a élu mardi 1er août premier ministre l’ex-ministre et homme d’affaires Shahid Khaqan Abbasi. Accusé de corruption, son prédécesseur, Nawaz Sharif, a été destitué vendredi par la Cour suprême.

Le résultat du scrutin a été annoncé solennellement par le président de l’Assemblée, Sardar Ayaz Sadiq. Le nouveau chef du gouvernement a obtenu 221 voix en sa faveur, bien plus que les 172 requises. M. Abbasi avait reçu le soutien de M. Sharif lui-même et de son parti, la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), majoritaire au Parlement. Le nouveau premier ministre doit prêter serment plus tard dans la soirée.

« Je suis reconnaissant à tous ceux qui ont participé à ce processus démocratique, a déclaré M. Abbasi, fines lunettes et barbe poivre et sel. Ceux qui étaient pour, ceux qui étaient contre. C’est la procédure en démocratie. Et je suis aussi reconnaissant au PML-N de m’avoir nominé à ce poste. Et surtout, je suis très reconnaissant à Nawaz Sharif. »

L’opposition, dont le parti de l’ex-champion de cricket Imran Khan, le Mouvement du Pakistan pour la justice (Pakistan Tehreek-e-Insaf, PTI), s’était pour sa part présentée divisée avec trois candidats différents, dont aucun n’avait la moindre chance de l’emporter.

Homme d’affaires

Né en 1958 à Karachi mais député de la ville de Murree, proche de la capitale Islamabad, M. Abbasi a mené parallèlement à la politique une carrière d’homme d’affaires. Il a été président de la compagnie aérienne publique Pakistan International Airlines (PIA) entre 1997 et 1999, jusqu’à la chute d’un précédent gouvernement de M. Sharif par un coup d’Etat militaire mené par le général Pervez Musharraf. Arrêté, il est resté emprisonné jusqu’en 2001. Homme d’affaires à succès, il a créé en 2003 la compagnie aérienne privée Air Blue, principale concurrente de PIA au Pakistan.

Ingénieur en électricité, diplômé de l’université George Washington à Washington DC, il a travaillé aux Etats-Unis et en Arabie saoudite avant de se tourner en 1988 vers la politique après la mort de son père, qui fut également ministre.

Cet homme de haute stature aux fines lunettes et à la barbe poivre et sel occupait depuis 2013 le poste de ministre du pétrole et des ressources naturelles du gouvernement de M. Sharif. Il avait précédemment tenu le portefeuille de ministre du commerce et des productions de défense.

Vers une nouvelle élection

Son passage à la tête du gouvernement pakistanais pourrait toutefois être bref, Nawaz Sharif ayant déjà fait savoir qu’il entendait confier sa succession politique à son frère cadet, Shahbaz Sharif. Mais celui-ci, qui occupe actuellement le poste de chef du gouvernement provincial du Pendjab, doit encore se faire élire au Parlement fédéral s’il veut devenir à son tour premier ministre.

Il devrait prochainement présenter sa candidature dans la circonscription électorale laissée vacante par son frère à la suite de la décision de la Cour suprême. Le processus pourrait prendre jusqu’à quarante-cinq jours.

Troisième destitution pour corruption

La Cour suprême a rendu vendredi un arrêt controversé « disqualifiant » M. Sharif de son poste de député, le jugeant coupable de n’avoir pas déclaré un salaire de 10 000 dirhams (2 300 euros) attribué par une entreprise détenue par l’un de ses fils aux Emirats arabes unis.

Bien que M. Sharif n’ait pas perçu le salaire en question, les cinq juges de la Cour suprême ont estimé que le premier ministre ne s’était pas comporté en « membre honnête du Parlement », comme le requiert la Constitution, d’où leur verdict.

Ce jugement a divisé au Pakistan. Pour nombre d’observateurs, le motif avancé par la Cour relève de la « technicité » et prouve le caractère « politique » du verdict, voire relève du « coup d’Etat judiciaire ». C’est la troisième fois que Nawaz Sharif est empêché de terminer un mandat, la première fois – déjà – à la suite d’un scandale de corruption, la deuxième en raison d’un coup d’Etat.