Le siège de l’Agence européenne des médicaments, à Londres, en avril. | Hannah Mckay / REUTERS

Avant l’ouverture des négociations sur le Brexit, les 27 Etats membres de l’Union européenne voulaient absolument afficher leur unité. Officiellement, cela reste leur credo, mais ils se préparent pourtant à une bagarre intense pour décrocher un bel avantage lié à la sortie du Royaume-Uni : l’implantation, sur leur territoire, de deux agences de l’Union, actuellement établies à Londres.

Vingt-trois pays (!) ont donc déposé officiellement un dossier pour abriter l’Agence européenne des médicaments (EMA) et huit pour accueillir l’Autorité bancaire européenne (EBA). La première, chargée de l’évaluation et du contrôle des médicaments, compte 900 fonctionnaires et reçoit chaque année des milliers de scientifiques ; la seconde, censée évaluer la solidité du secteur financier, regroupe 160 spécialistes. La France a proposé Lille pour l’EMA et Paris – où siège déjà l’Autorité européenne des marchés financiers, un des deux autres instruments de contrôle du secteur – pour l’EBA.

Pactole

Gage de notoriété, le fait de décrocher une agence garantit surtout un pactole lié à l’accueil de personnels dotés d’un fort pouvoir d’achat et de leur famille, aux multiples réunions qui engendrent des nuitées d’hôtel, aux loyers perçus, etc. Le pays hôte bénéficie aussi de rentrées fiscales supplémentaires ou de la création d’emplois de haut niveau dans le secteur des services.

Afin de tenter d’éviter disputes et psychodrames, une méthode a été établie par le Conseil européen – la réunion des Etats membres – le 22 juin. La Commission de Bruxelles évaluera les offres d’ici à la fin septembre, en tenant compte de critères d’équipements, d’accessibilité, d’équilibre géographique, d’accès au marché du travail et au système scolaire pour les familles, etc. Suivra une « discussion politique », puis, en novembre, une décision à l’issue de plusieurs tours d’un vote secret. Avec, pour l’occasion, un même nombre de voix pour chaque Etat.

« Ce sera sanglant », ironise un diplomate qui a vécu, en 2003, des séances homériques parrainées par l’Italien Silvio Berlusconi sur la répartition de nouvelles agences. Mais plus question, cette fois, de recourir à l’astuce qui avait consisté à créer des structures supplémentaires afin de satisfaire un maximum de dirigeants…

Coalitions, chantages, protestations

A Bruxelles, certains observateurs de la « bulle » se délectent, en tout cas, à imaginer déjà les coalitions qui se formeront, les chantages qui s’exerceront, les protestations qui suivront à coup sûr. Berlin et Paris se partageront-ils le gâteau, avec l’EMA pour Lille et l’EBA pour Francfort (siège actuel de la Banque centrale et de l’Autorité des assurances et des pensions professionnelles, troisième pilier de la supervision européenne) ? Tout le monde dément. Comme est nié le projet de « punir » les mauvais élèves européens de l’Est, qui mettent en péril l’Etat de droit et refusent des réfugiés, mais sont candidats : Varsovie a déposé un dossier pour les deux institutions, Prague pour l’Autorité bancaire, Bratislava pour l’Agence des médicaments…

Quant au Luxembourg (qui lorgne plutôt la banque, bien sûr), fera-t-il jouer une clause presque oubliée qui lui réserve en principe, depuis 1965, toutes les institutions à caractère financier ? Suspense. Mais dans l’unité, bien sûr…