Nicole Belloubet et Christophe Castaner, lors d’un débat sur la loi de moralisation de la vie publique, à l’Assemblée, le 28 juillet. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Le Parlement a adopté définitivement jeudi 3 août, par un ultime vote massif de l’Assemblée, un des textes de moralisation de la vie politique, qui interdit notamment les emplois familiaux de collaborateurs et instaure un nouveau régime pour les frais des parlementaires. Ce projet de loi dit ordinaire, sur lequel Assemblée et Sénat sont parvenus à un accord, a été approuvé par 383 voix contre 3, et 48 abstentions.

En revanche, le projet de loi organique sur « la confiance dans la vie publique », qui comporte notamment la suppression de la réserve parlementaire, n’a pas fait l’objet mardi d’un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire. L’Assemblée, qui a le dernier mot, procédera donc le 9 août à son adoption définitive, à la condition que le texte recueille la majorité absolue des députés (soit 289 voix au minimum), comme le prévoit la Constitution.

Le projet de loi ordinaire comprend néanmoins l’essentiel des dispositions de moralisation de la vie publique qui figuraient parmi les promesses de campagne d’Emmanuel Macron. En voici les principales mesures :

  • L’interdiction des emplois familiaux

Cette interdiction vaut pour les ministres, parlementaires et élus locaux. Une distinction a été créée entre emplois familiaux pour « la famille proche » (conjoint, partenaire de pacs, concubin, parents et enfants ainsi que ceux du conjoint, partenaire de pacs ou concubin), qui seront interdits et passibles de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, et les emplois pour les personnes du second cercle (liens hors familiaux, ancien membre de la famille) qui devront faire l’objet d’une obligation de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour les membres du gouvernement et exécutifs locaux, et auprès de l’organe de déontologie de leur assemblée pour les parlementaires. Même obligation déclarative en cas d’emploi croisé (embauche d’un collaborateur de la famille d’un autre élu ou ministre).

  • L’inéligibilité en cas de manquement à la probité

Candidats et élus seront déclarés inéligibles en cas de crimes ou d’infractions traduisant un manquement à la probité. La peine d’inéligibilité sera, pendant la durée de celle-ci, inscrite au casier judiciaire de la personne mise en cause et pourra être vérifiée lors de toute candidature à une élection.

Comme le demandait le gouvernement, une disposition votée en commission a finalement été retirée, par crainte d’un « risque d’inconstitutionnalité », qui prévoyait l’obligation d’un casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection.

  • La fin des conflits d’intérêt

La loi ordinaire sur la confiance dans la vie publique précise que députés et sénateurs ne pourront plus exercer des fonctions de conseil en cours de mandat. A une exception près : les parlementaires pourront toutefois le faire si l’activité a commencé plus d’un an avant leur élection. La prévention et le traitement des conflits d’intérêts sont laissés aux soins de chaque assemblée. Les collaborateurs parlementaires ne pourront plus être rémunérés par des lobbys.

  • La suppression de l’indemnité de frais de mandat

Un nouveau système de prise en charge des frais de mandat parlementaire est mis en place, qui remplacera l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM, environ 6 000 euros mensuels non fiscalisés, pour permettre aux députés d’assurer leurs frais de représentation). Chaque assemblée parlementaire déterminera les règles relatives au remboursement de frais de mandat de ses membres (prise en charge directe, présentation de justificatifs ou versement d’une avance).

Droite et MoDem ont toutefois échoué à fusionner l’actuelle rémunération des parlementaires (environ 7 200 euros brut mensuel) et l’IRFM, et ainsi à la fiscaliser, ce qui aurait imposé un contrôle par le fisc. C’était pourtant un engagement du candidat Emmanuel Macron.

  • La création de la banque de la démocratie

Destinée à financer les candidats et les partis, cette institution, qui avait été supprimée par le Sénat, a été rétablie. La banque de la démocratie permettra, « en cas de défaillance avérée du marché » bancaire, d’octroyer aux candidats, partis et groupements politiques, des prêts ou des garanties nécessaires au financement des campagnes électorales.

  • Le « verrou de Bercy »

Rétablissement, à la demande du gouvernement, du « verrou de Bercy » que le Sénat avait supprimé. Il s’agit d’un dispositif qui laisse au ministère de l’économie le monopole des poursuites pénales en matière de fraude fiscale.

A l’exception de La République en marche, tous les groupes politiques étaient opposés à ce « verrou », affirmant qu’il porte « une atteinte certaine » à l’égalité des citoyens devant la justice ou voyant dans ce dispositif « un cadeau aux gros contribuables comme Google » ayant la possibilité de négocier avec Bercy. Ce dispositif n’a été rétabli que grâce aux seules voix LRM, marquant ainsi une faille dans la majorité parlementaire.

Moralisation de la vie publique : ambiance tendue en commission à l’Assemblée nationale
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