LES CHOIX DE LA MATINALE

Au menu cette semaine, trois magnifiques ouvrages – hilarant, historique ou humaniste – à emmener dans vos bagages cet été.

ROMAN. « Aujourd’hui, tout va changer », de Maria Semple

PLON

Eleanor Flood est spectaculairement autocentrée, mais cela ne l’empêche pas de se demander chaque jour si elle a, la veille, rendu le monde pire ou meilleur par sa simple présence. A l’aube du jour où, elle se le répète, « tout va changer », elle fait le compte honnête de l’état dans lequel elle a laissé le monde chaque soir de la semaine précédente : « Pire, pire, meilleur, pareil, pire, pire. »

« Pas de quoi être fière », conclut-elle… Aujourd’hui, tout va changer, le troisième roman de Maria Semple, a quelque chose de cartoonesque dans la nature et l’efficacité de l’humour qui y est pratiqué ; certaines scènes d’anthologie lorgnent très visiblement du côté du burlesque.

Hymne à tous les inadaptés de l’existence, il semble chercher à résoudre l’éternelle énigme : comment se débrouiller avec la vie ? Comment tenir debout sans s’empêtrer dans ses névroses et ses traumas ? Un livre hilarant, qui témoigne d’un véritable génie de la satire chez son auteure. Raphaëlle Leyris

Plon, « Feux croisés », 240 pages 20,90 €.

BIOGRAPHIE. « Le Sourire de Gary Cooper », de Sophie Pujas

GALLIMARD

Prenant fait et cause pour Clara Bow (1905-1965), la première « it girl » de l’histoire d’Hollywood, Sophie Pujas esquisse le portrait d’une femme traquée, raillée et calomniée alors qu’elle n’aspirait qu’à la douceur et à la joie.

L’actrice, dont la trajectoire illustre à merveille le fantasme américain de l’héroïne née dans la misère qui réussit à atteindre le sommet de la célébrité par la force de sa volonté, avait pourtant passé l’obstacle du cinéma parlant contre lequel bien d’autres stars de muet s’étaient fracassées. Mais à Hollywood, le « scénario exige un zénith et une dégringolade d’épiques proportions. Un storytelling digne de ce nom requiert qu’on parte de rien pour finir plus bas encore ».

En empathie avec son personnage, Sophie Pujas récuse, dans Le Sourire de Gary Cooper, les lectures malveillantes du destin de cette actrice talentueuse. Elle sut séduire nombre d’acteurs et réalisateurs, mais on ne daigna pas lui proposer de jouer dans les films qui marqueront l’histoire du cinéma. Florence Bouchy

Gallimard, « L’Arpenteur », 112 pages, 11,50 €.

ROMAN. « Enfant de toutes les nations », de Pramoedya Ananta Toer

ZULMA

Indonésie, fin des années 1940. A la prison de Buru, le grand écrivain Pramoedya Ananta Toer – dit « Pram » – distrait ses compagnons de cellule en leur racontant des histoires.

Parmi elles, les aventures incroyables de Minke, jeune indigène éduqué, fasciné par la révolution française et ses idéaux, admirateur de l’Europe et de sa « modernité ». Lorsqu’il rencontre Annelies, fille de l’industriel Mellema et de sa concubine indonésienne, il tombe fou amoureux d’elle. C’est le début d’une passion, mais aussi d’un drame qui mènera toute la famille à sa perte.

En 1975, « Pram » reprendra ce récit par écrit. C’est le Buru Quartet, une tétralogie engagée, oscillant entre roman initiatique et critique virulente de toutes les oppressions. Après Le Monde des hommes (Zulma, 2017), le deuxième tome de cette saga humaniste, Enfant de toutes les nations, vient d’être traduit.

Au-delà de l’histoire (passionnante et pleine de rebondissements), c’est une analyse de la société coloniale indonésienne et de ses contradictions que livre « Pram ». Une réflexion puissante sur le rôle des favorisés dans une société inégalitaire. Marie Daoudal

Zulma, 512 pages, 24,50 €.