Rachid Daif alias Demi Portion, à Sète, le 25 juillet 2017. | CAMILLE SONALLY POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

Rachid Daif, 33 ans, est la nouvelle mascotte du rap français. Haut comme trois pommes –d’où son nom de scène, Demi Portion – d’une gentillesse à toute épreuve, il défend avec énergie sa culture : le hip-hop. Mais il ne se contente pas de le faire en studio, où il a enregistré deux albums. À l’été 2016, il a créé une plateforme pour le rap indépendant, le Demi Festival, à Sète. À l’origine, une frustration d’artiste, celle de ne jamais avoir été programmé dans les nombreux festivals d’été de sa ville natale. Il manquait notamment à son palmarès le Théâtre de la Mer, cette scène antique qui offre une vue imprenable sur la Méditerranée.

En 2012, en bon hip-hopeur, adepte d’un esprit « Do it yourself », il avait déjà créé son propre festival. Mais la première édition n’avait finalement pas vu le jour : « C’est un métier d’organiser un festival. Quand tu ne sais pas faire, tu ne sais pas faire. » En janvier 2016, en assistant au Scred Festival à Paris, organisé par le groupe Scred Connexion, il décide de retenter sa chance chez lui : « Ça m’a plu de les voir réunir tout le rap indépendant parisien en trois jours. Je me suis dit qu’il fallait que j’essaie encore. J’ai contacté une boîte de production locale, Hook up, qui s’est occupée de l’administratif, et moi j’ai appelé tous les groupes de rap que je connaissais. On a vendu tous les billets en quelques minutes. Pendant trois jours, du 11 au 13 août 2016, on a réuni 50 000 personnes. »

DEMI PORTION - Un long voyage (clip officiel)

Le Demi Festival est le seul festival de hip-hop organisé par un artiste en plein cœur de l’été. Cette année, il s’est choisi un parrain, Oxmo Puccino, avec qui il chante sur son dernier album, 2 chez moi. Du 10 au 12 août 2017, il réunit donc tous les groupes avec lesquels il a déjà partagé l’affiche : les Sages Poètes de la rue, Rocé, Brav, Youssoupha…, soit huit groupes par soir. Une manière de célébrer le rap, et toutes ses formes, pour celui qui se passionne pour le genre depuis ses 14 ans.

Initié par le collectif Scred Connexion

Fils d’un peintre en bâtiment et d’une mère au foyer originaires du Maroc, Rachid Daif fréquente les ateliers d’écriture de la MJC de Sète, La Passerelle, animés par le groupe local, les Disciples. Il y apprend, dit-il, à écrire du rap sans insulte et toujours riche de sens : « J’allais aux ateliers tous les mercredis. En troisième, j’ai lâché l’école à la mort de mon père. Ça marchait pour lui, il avait des employés, et puis il a eu un cancer des poumons. » Le rap sera sa planche de salut. « Je ne comptais pas en faire ma vie, mais les ateliers d’Adil des Disciples m’ont mis sur la bonne voie, c’est lui qui m’a donné un cadre. Si on était assidus, on avait le droit de faire un concert tous les trimestres, ça nous motivait. »

Un autre rappeur prend le relais : Fabe, auteur en 1995 de Ça fait partie de mon passé et membre du collectif Scred Connexion : « Il nous donnait des cours d’écriture à Sète, et m’a invité à Paris. J’avais 15 ans. Dès que le week-end arrivait, je partais avec mon meilleur ami. On fraudait pour le train. Je devais récupérer ma carte d’identité auprès de ma mère. Il fallait que j’invente une histoire… » Aujourd’hui, les jeunes Sétois n’ont plus à faire l’école buissonnière pour aller écouter du rap ailleurs. Il leur suffit de rester dans leur ville, et d’aller au Théâtre de la Mer, là où l’enfant du pays a amené le hip-hop.

Demi Festival, du 10 au 12 août au Théâtre de la Mer, promenade Maréchal-Leclerc, Sète.