Carla del Ponte, en février 2013 à Genève. | FABRICE COFFRINI / AFP

L’ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie Carla Del Ponte va démissionner de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, qui n’a « jamais rien obtenu », annonce-t-elle dans un entretien au journal suisse Blick« Je suis frustrée, j’abandonne ! J’ai déjà écrit ma lettre de démission et vais l’envoyer dans les prochains jours », dit-elle, lors d’un entretien donné au Festival international du film de Locarno, dans le Tessin, sa région natale.

La commission d’enquête indépendante de l’ONU a été créée en août 2011 par le Conseil des droits de l’homme, quelques mois après le début du conflit syrien. Mme Del Ponte a rejoint la commission en septembre 2012. Présidée par le Brésilien Paulo Pinheiro, la commission a déjà rendu plusieurs rapports, mais elle n’a jamais été autorisée par Damas à se rendre en Syrie.

« Je ne peux plus être dans cette commission qui ne fait absolument rien », explique Mme Del Ponte, accusant les membres du Conseil de sécurité « de ne pas vouloir établir la justice ».

« Des crimes horribles »

Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie et opposant initialement armée et rebelles, le conflit en Syrie s’est complexifié au fil des années avec l’implication d’acteurs régionaux, de puissances étrangères et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé. Il a fait plus de 330 000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés.

« Au début, il y avait le bien et le mal. L’opposition du côté du bien et le gouvernement dans le rôle du mal », estime Mme Del Ponte. Désormais, « tous en Syrie sont du côté du mal. Le gouvernement Assad a perpétré de terribles crimes contre l’humanité et a utilisé des armes chimiques. Et l’opposition n’est désormais composée que d’extrémistes et de terroristes », juge-t-elle. 

« Croyez-moi, des crimes horribles comme ceux commis en Syrie, je n’en ai pas vu au Rwanda, ni dans l’ex-Yougoslavie. »

Mme Del Ponte est connue pour son franc-parler et son impulsivité, qui lui ont valu bien des inimitiés. Nommée procureure du Tribunal pénal international (TPIY) pour l’ex-Yougoslavie à la fin de 1999, la magistrate suisse avait réussi à obtenir qu’un ancien chef d’Etat, le Serbe Slobodan Milosevic, réponde de crimes de guerre devant la justice internationale, une première. Cette soif de justice a guidé les choix de Mme Del Ponte, de ses investigations contre la mafia aux côtés du juge italien Giovanni Falcone aux enquêtes qu’elle a menées dans les milieux financiers suisses lorsqu’elle était à la tête du parquet fédéral, dans les années 1990.