L’Américain Ryan Crouser, le 6 juillet 2017, à Lausanne. | DENIS BALIBOUSE / REUTERS

Cette année, le 100 m féminin offre sur la ligne de départ moins de suspense que le 100 m masculin (si vous voulez revivre la folle soirée d’hier, c’est ici). Un peu après 22 h 50, la Jamaïcaine Elaine Thompson devrait en effet devenir championne du monde, après son titre olympique l’an passé. Nous avons donc décidé de mettre un coup de projecteur sur le lancer du poids. A priori, on connaît déjà là aussi le nom du vainqueur : le champion du monde, Joe Kovacs, ou le champion olympique, Ryan Crouser. Ils représentent avec brio l’école masculine américaine de la discipline.

  • L’histoire

A ma droite, champion olympique en titre, Ryan Crouser, 2,03 m pour 141 kg, à ma gauche, un autre beau bébé au physique plus ramassé, champion du monde en titre, Joe Kovacs, 1,83 m pour 125 kg. Les deux gaillards ont toutes les chances de se disputer le titre mondial du lancer du poids tant ils trustent les performances de haut niveau. Cette saison, Crouser a lancé sept fois à plus de 22 mètres, dont un jet à 22,65 m. Kovacs s’est contenté de franchir deux fois cette marque, avec tout de même un jet à 22,57 m.

L’école américaine du poids est impressionnante. Jugez plutôt, huit titres mondiaux et dix-huit médailles d’or olympiques ont échu aux lanceurs américains. Cette domination repose sur une vraie tradition, celle de l’homme fort, un brin machiste, puisque dans le même temps une seule lanceuse de poids américaine est parvenue à remporter un titre d’envergure, Michelle Carter, lors des JO de Rio, l’an passé.

Les deux premiers concours olympiques, en 1896 et en 1900, furent remportés par des lanceurs des Etats-Unis. Lors des troisièmes, en 1904, à Saint-Louis (Missouri), les premières vedettes de la discipline émergent. Wesley Coe (95 kg pour 1,78 m) et Ralph Rose (2 mètres pour 113 kg) s’affrontent pour la victoire. Rose s’impose dans le Missouri, et devient le premier à franchir les 15 mètres, et conserve son titre quatre ans plus tard. Il gagne le surnom d’« Elephant Baby ». Depuis, des champions tels que Paddy O’Brien, John Godina ou le recordman du monde, Randy Barnes (23,12 m), suspendu à vie pour dopage en 1998, ont brillé au plus haut niveau.

Antoine - Un éléphant me regarde

« Les Américains adorent les sports de force. Ils ont une fascination pour la puissance, le show que cela peut représenter. Ce sont des passionnés de lancer du poids. A l’image de Crouser et de Kovacs, on a eu un paquet de lanceurs américains à plus de 22 mètres », raconte le spécialiste du poids français, Frédéric Dagée, qui connaît Ryan Crouser depuis les Mondiaux cadets 2009, remportés par le Texan d’adoption.

Le champion de France 2015 évoque les deux rivaux qui dominent la discipline : « Ils ne font que ça et ils ont donc les moyens de se préparer en toute sérénité. Par rapport à ça, ce sont des gars cool, détendus et souriants. Crouser est un bon vivant, un passionné qui a grandi dans une famille de lanceurs. Son frère a un record à plus de 80 mètres au javelot. Kovacs est plus discret, mais je pense que c’est le lanceur le plus puissant du circuit. Ses performances en musculation sont incroyables. »

A Londres, la lutte entre les deux compères pourrait en tout cas mener la discipline vers de nouveaux sommets. « Je ne serais pas étonné s’ils mettent 20 centimètres au record du monde. Lorsque l’on est régulier autour de 22,50 m, on peut espérer une performance de pointe », espère Frédéric Dagée.

  • Hors piste

Loin de l’agitation commerciale de l’immense mall de Westfield, il est possible d’aller se boire une bière à quelques hectomètres du stade olympique, tranquille, avant les épreuves des Mondiaux. Le coin s’appelle East End Village et présente le même charme que certains quartiers modernes d’Issy-les-Moulineaux. C’est aussi et surtout l’ancien village olympique.

Lui, c’est Alistair Masom, 28 ans.

YB

Alistair est consultant juridique sur les questions d’immigration. « J’aide les étrangers à venir en Angleterre », tient-il à préciser. Samedi en fin d’après-midi, le jeune homme est venu boire une bière au RedYellowBlue, un bistrot-resto à l’ambiance un peu bobo, avant d’aller voir la finale de Bolt. Il loue un appartement à l’East End Village « depuis trois ans ». « Je suis venu parce que les prix étaient raisonnables. Je paie 1 400 livres pour un logement avec deux chambres, de 76 m2 . Quand je suis arrivé, il n’y avait aucun commerce, c’était très calme. Il n’y avait que 10 % des logements occupés. »

On ne va pas se mentir, dans l’ancien village olympique, ce n’est pas encore la folie furieuse s’agissant d’animation autour de ces dizaines d’immeubles modernes. « L’après-midi, il peut y avoir du monde, contextualise Rhea, la gérante du RedYellowBlue. Mais la vie nocturne, pour l’instant, franchement, est ennuyeuse. »

Plusieurs commerces y ont ouvert ces dernières années. On trouve un dentiste, un physio, des restos, un boucher, un fleuriste, un glacier, un marchand d’alcool, un coiffeur et une école. Les jardins attirent les familles. Surreprésentation de poussettes et de trottinettes.

« C’est un bon endroit, mais ça devient cher », résume le boucher italien, qui s’est installé il y a quelques semaines. « Ici, il y a un peu de tout, vous avez différentes ethnies, différentes classes sociales. Mais pour découvrir ce que cet endroit devient vraiment, il faudra revenir dans deux ans, là c’est encore en pleine transformation. » Les grues, encore nombreuses, décorent le paysage.

Et le boucher de résumer par une jolie formule : « Ici, c’est artificiel, mais les gens s’y plaisent. »

YB

YB

YB

Quand il n’est pas occupé à s’entraîner pour lancer toujours plus loin le poids, Ryan Crouser pêche. Et il aime les gros poissons. Il a même une page Instagram consacrée à cette passion. Son titre olympique n’a pas fait bondir ses abonnés, qui sont au nombre de 996… Un nouveau titre à Londres pourrait peut-être lui faire franchir la barre des 1 000.

Si l’on sait depuis longtemps qu’un train peut en cacher un autre, deux lanceurs de poids américains peuvent en cacher deux autres. En effet, ils ne seront pas deux mais bien quatre à disputer les Mondiaux de Londres. En plus des favoris Crouser et Kovacs, Darrell Hill (1,91 m pour 145 kg) et Ryan Whiting (1,92 m pour 134 kg) disputeront aussi le concours de poids. Les photos de lycée de ces « Elephants babies » montrent qu’il valait mieux ne pas les embêter dans la cour de récréation.

  • En piste

20 heures : finale du saut à la perche féminin

20 h 10 : demi-finales du 100 m féminin

21 h 35 : finale du lancer de poids masculin

21 h 40 : dernière épreuve de l’heptathlon, le 800 m

22 h 50 : finale du 100 m féminin