La cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné, mardi 8 août, Cédric Herrou à quatre mois de prison avec sursis. L’agriculteur de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), visage de la solidarité et de l’aide apportée aux migrants qui traversent la frontière italienne par la vallée de la Roya est plus sévèrement sanctionné qu’en première instance.

Jugé pour l’aide apportée à quelque deux cents migrants principalement Erythréens et Soudanais, Cédric Herrou avait été condamné, le 10 février par le tribunal correctionnel de Nice, à une amende de 3 000 euros avec sursis pour avoir acheminé en France depuis Vintimille des étrangers cherchant coûte que coûte à traverser la frontière. Le procureur de la République de Nice avait fait appel de ce jugement.

Contrairement au tribunal qui l’avait relaxé du délit d’occupation illicite d’une colonie de vacances de la SNCF inoccupée depuis 1991, la cour d’appel l’a déclaré coupable et l’a condamné à verser 1 000 euros de dommages et intérêts à la SNCF.

Une vingtaine de militants de l’association Roya Citoyenne avaient, en octobre 2016, installé dans ces locaux désaffectés, 57 migrants dont 29 mineurs qui avaient pu, sur un temps bref, être secourus et soignés. Le tribunal avait retenu l’état de nécessité qui exonère de toute sanction pénale. « C’est une peine d’avertissement », a prévenu le président de la cour.

« Je continuerai à me battre »

« Un “Scandaleux !” s’est élevé » du public au moment de la lecture de la décision. Plusieurs dizaines de militants étaient présents en soutien. « C’est le rôle d’un citoyen d’agir lorsqu’il y a défaillance de l’Etat », a-t-il déclaré juste avant l’audience. Commentant sa condamnation, l’agriculteur a estimé qu’ « on a l’impression que la politique instrumentalise la justice ». Et de lancer :

« J’invite le parquet à venir dans la vallée de la Roya entendre les familles des quinze personnes mortes en tentant de franchir la frontière. J’attends avec impatience les trente prochaines décennies et on verra qui se retrouvera devant les tribunaux. Je continuerai à me battre. Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison ce sera plus simple. »

Lors de l’audience, qui s’était tenue le 19 juin, en présence de nombreux militants de Roya Citoyenne et d’associations d’aide aux migrants, l’avocat général avait requis huit mois de prison contre Cédric Herrou, la peine prononcée par le tribunal de Nice étant, à son sens, « non proportionnée à l’aide apportée à plus de deux cents personnes, incohérente et de nature à encourager la récidive ».

« Un lanceur d’alerte »

Pour le magistrat, l’agriculteur ne pouvait pas bénéficier des exemptions humanitaires au terme desquelles l’aide au séjour irrégulier n’est pas punissable : « Lorsque l’aide s’inscrit dans une contestation globale de la loi, elle n’entre pas dans les exemptions prévues mais sert une cause militante qui ne répond pas à une situation de détresse. Cette contestation constitue une contrepartie » à l’aide apportée.

Se définissant comme « un lanceur d’alerte » se substituant à l’Etat dans l’accueil des demandeurs d’asile, Cédric Herrou a été à nouveau interpellé le 24 juillet en gare de Cannes alors qu’il accompagnait 156 migrants arrivés chez lui et souhaitant se rendre à Marseille pour y déposer une demande d’asile. Au terme d’une garde à vue – la sixième depuis 2016 -, le parquet de Grasse (Alpes-Maritimes) a ouvert une information judiciaire.

Sur la route avec un agriculteur qui fait traverser la frontière italienne à des migrants
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