Vivendi détient 23,9 % de Telecom Italia. / Stefano Rellandini / REUTERS

Une guerre de position. Alors que la Consob, l’autorité italienne des marchés financiers, a tenté de pousser Vivendi dans ses retranchements en l’obligeant à reconnaître qu’il contrôlait bel et bien l’opérateur Telecom Italia, le groupe de Vincent Bolloré, premier actionnaire du groupe italien, a répondu lundi 7 août par la négative. Dans un communiqué, Vivendi « considère n’exercer aucun contrôle de fait sur Telecom Italia (…), sa participation dans le capital social de Telecom Italia [23,9 %] n’étant pas suffisante pour lui permettre d’exercer de manière stable une influence dominante lors des assemblées générales d’actionnaires de Telecom Italia ».

Le 2 août, le gouvernement italien, comme la Consob, avait expliqué vouloir vérifier si toutes les procédures avaient été respectées après le resserrement du contrôle de Vivendi, intervenu fin juillet, sur l’opérateur téléphonique. Quitte à menacer d’amendes ou de droit de veto, dans un secteur jugé « stratégique » (comme les télécommunications), si Vivendi avait enfreint les règles en vigueur. Pour réfuter tout contrôle de Telecom Italia, le groupe de Vincent Bolloré distingue juridiquement « les activités de direction et de coordination de Telecom Italia », qui ne doivent pas être « interprétées comme la preuve d’une position de contrôle de fait au sens de l’article 2359 du code civil italien ». De la même manière, le groupe écarte toute notion de contrôle définie cette fois-ci par le droit européen.

Emprise

Dans ce billard à deux bandes, le communiqué du groupe de Vincent Bolloré lui permet aussi de rassurer ses propres actionnaires : Vivendi ne sera pas obligé d’intégrer dans ses comptes les 25,1 milliards d’euros d’endettement de l’opérateur italien. Ce qu’il aurait dû faire si le contrôle de fait sur Telecom Italia était avéré. Le groupe français s’affirme donc comme un actionnaire minoritaire très actif n’ayant aucune velléité de lancer d’OPA.

Sémantique, mathématiques, finance et politique se mêlent étroitement dans ce dossier. Avec seulement 23,9 % du capital de l’opérateur italien, Vivendi y a sérieusement imposé son emprise : il a obtenu en mai deux tiers des sièges du conseil d’administration (10 administrateurs sur 15). Vincent Bolloré a aussi placé ses hommes à la direction, forçant Flavio Cattaneo, l’ex-PDG de Telecom Italia, à plier bagage. Le président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, a été nommé en juin président exécutif de Telecom Italia puis désigné le 27 juillet patron par intérim. Un autre homme fort de Bolloré, Amos Genish, a été placé à la direction des opérations.

On ignore encore quelle stratégie sera mise en place. En Italie, la presse évoque la scission de Telecom Italia et la revente de ses réseaux – Open Fiber serait déjà sur les rangs –, ce qui permettrait d’alléger la dette et de laisser à d’autres investisseurs le soin de payer le déploiement de la fibre en Italie.

Relations tendues en la France et l’Italie

Cette reprise en main de Telecom Italia fait d’autant plus grincer des dents que les relations entre l’Italie et la France sont tendues comme jamais depuis que le gouvernement français a annoncé fin juillet sa volonté de nationaliser temporairement STX, les chantiers navals de Saint-Nazaire. Et donc d’écarter sans ménagement l’offre de reprise de l’italien Fincantieri.

Vincent Bolloré est attaqué sur plusieurs fronts en Italie. Sous peine d’une amende de 540 millions d’euros, l’Agcom, l’autorité de régulation des médias et des télécommunications italienne, a ainsi obligé Vivendi à geler une importante partie de ses actions Mediaset (18,8 %) dans une société fiduciaire. Seul l’autre bloc de 9,9 % d’actions du groupe audiovisuel italien détenues par Vivendi pourra bénéficier de droits de vote. Cette solution devrait permettre à Vivendi de se conformer à la loi.

Le groupe de Vincent Bolloré a en effet déjà fait appel mi-juin d’une première décision de l’Agcom qui l’obligeait – pour des questions de concentration et de pluralisme des médias – à abaisser ses participations dans Mediaset ou dans Telecom Italia. Une première audience est prévue au tribunal administratif de Rome en février 2018.