Donald Trump et le vice-president, Mike Pence (à droite), lors d’une conférence de presse sur son lieu de vacances, le golf de Bedminster dans le New-Jersey. / JONATHAN ERNST / REUTERS

Pour le troisième jour consécutif, Donald Trump a alimenté une bataille rhétorique que Pyongyang est ordinairement seul à nourrir, jeudi 10 août. En marge d’entretiens avec ses conseillers, dans son golf de Bedminster (New Jersey), où il passe ses vacances, le président des États-Unis a assuré que sa formule de mardi concernant « le feu et la fureur » que les États-Unis sont prêts selon lui à opposer aux menaces nord-coréennes, n’était peut-être « pas assez dure ». S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de cette sortie peu conventionnelle pour un président des États-Unis, elle met en lumière les faiblesses ou les dysfonctionnements de l’administration américaine.

Selon la porte-parole du président, Sarah Sanders, le président avait laissé entendre qu’il exprimerait sans fard son point de vue sur la Corée du Nord avant une brève rencontre avec la presse, motivée initialement par une réunion de son équipe consacrée à la flambée de la mortalité liée à l’usage des opioïdes (certaines drogues présentes dans les antidouleurs). M. Sanders a cependant précisé que la formule elle-même n’avait pas été définie au préalable, ce qui est ordinairement le cas sur les sujets les plus sensibles.

Résolution votée à l’ONU éclipsée

La virulence des propos de M. Trump a contraint son secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, à multiplier les formules apaisantes quelques heures plus tard, assurant notamment que « les Américains peuvent dormir tranquillement ». M. Tillerson souhaitait initialement mettre en avant « la très bonne semaine des États-Unis et de la communauté internationale à propos de la Corée du Nord », en référence à la résolution votée à l’unanimité par les Nations unies trois jours plus tôt, mais ce succès diplomatique incontestable a été éclipsé par la controverse née des formules belliqueuses de M. Trump. Ces dernières ont été entretenues mercredi par des messages publiés sur le compte Twitter du président vantant la puissance de l’arsenal nucléaire américain, comme par des déclarations de l’un de ses conseillers, Sebastian Gorka, louant « l’hyperpuissance » américaine sur la chaîne conservatrice Fox News.

Ces formules ont également manifestement pris de court les alliés des États-Unis, le Japon et la Corée du Sud concernés au premier chef par une escalade avec leur voisin du nord. En centrant mardi son commentaire sur les menaces visant uniquement les États-Unis, M. Trump n’a pu qu’accentuer le malaise de Tokyo et de Séoul.

Brad Glosserman, expert pour l’Asie au sein du Center for Strategic and International Studies, avait ainsi jugé le 31 juillet que les réactions de Washington après le tir d’un missile balistique pouvant atteindre des territoires américains alimentaient la crainte chez les alliés sud-coréens et japonais des États-Unis d’un « découplage » : Washington donnant l’impression de réagir surtout en fonction de ses seuls intérêts. Mercredi, la porte-parole du secrétaire d’Etat, Heather Nauert, a été contrainte d’assurer que « tout le monde parle d’une même voix » pour dissiper cette crainte.

Toujours pas d’ambassadeur à Séoul

Lors d’une conférence téléphonique organisée jeudi par le Council on Foreign Relations, l’une des expertes du think-tank, Sheila A. Smith, spécialiste du Japon, a souligné que l’impact des déclarations de M. Trump était amplifié par l’absence d’interlocuteurs de haut niveau côté américain, pour les décrypter et les recontextualiser auprès de leurs alliés, du fait du retard pris par la présidence Trump pour les nominations aux postes les plus élevés de l’administration.

Celui d’ambassadeur à Tokyo est certes pourvu, mais pas celui de Séoul. Les absences sont tout aussi criantes à l’échelon intermédiaire, qu’il s’agisse du poste de secrétaire d’Etat adjoint pour le Pacifique, ou de celui, à la défense, de sous-secrétaire pour les questions de sécurité dans le Pacifique. Tous ces postes étaient déjà pourvus à la même période dans les deux administrations précédentes, celles de Barack Obama et de George W. Bush, selon la chaîne d’information CNN.