Les combats entre combattants de la Séléka et milices anti-bakala ont fait au moins 45 morts et 7 000 réfugiés de plus en juillet. / ISSOUF SANOGO / AFP

La Centrafrique pourrait rechuter dans une crise humanitaire de grande ampleur. Les six volontaires de la Croix-Rouge tués le 3 août viennent s’ajouter aux neuf casques bleus qui ont perdu la vie depuis le début de l’année. Mais les combats entre groupes armés ont aussi fait 45 morts depuis le début de juillet, dont 34 entre le 30 juillet et le 2 août. L’Organisation des Nations unies (ONU) a alerté lundi sur des « signes avant-coureurs de génocides ».

Un nombre croissant de réfugiés vient s’ajouter au bilan des morts. « Nous avons recensé 6 885 personnes [venus de Centrafrique] à Mbaiboum [au Cameroun] arrivés depuis la semaine du 10 juillet », a déclaré Alexandre Sarr, chef de mission du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (UNHCR), à Meïganga, au Cameroun. Interrogé mardi par l’Agence France-Presse (AFP), il a ajouté que « parmi eux, beaucoup sont en mauvaise santé et beaucoup d’enfants malnutris ».

Plus de 450 000 personnes sur les 4,5 millions de Centrafricains ont déjà fui vers l’étranger, principalement au Tchad, au Cameroun, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et au Congo.

Regain de violence depuis 2012

La situation catastrophique de la République centrafricaine est connue de longue date. En mai, un rapport de l’ONU recensait les crimes et violences commises dans le pays entre 2003 et 2015. Plus de 620 incidents graves avaient été compilés sur les douze ans, et beaucoup étaient sans doute passés inaperçus.

Mais une nouvelle séquence s’est ouverte en 2012 avec l’apparition de la Séléka, groupe armé du nord-est du pays à majorité musulmane. Après avoir occupé et pillé plusieurs villes du pays, les combattants du groupe ont renversé le président Boizizé en 2013 avant de prendre le pouvoir. En réaction, les anti-bakala, un groupe dit d’autodéfense à majorité chrétienne, ont mis en place une traque des Séléka et de l’essentiel des musulmans jugés complices des crimes de ces derniers

Le rapport de l’ONU faisait état de 3 003 civils tués entre décembre 2013 et octobre 2014 dans des combats entre ces groupes armés. Les 12 500 militaires et policiers déployés par l’ONU depuis 2014 et la mission « Sangaris » menée par la France entre 2013 et 2016 pour stabiliser le pays ont permis d’enrayer les massacres à grande échelle. Mais le départ des Français l’an dernier a relancé les violences.

Le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires, Stephen O’Brien, a rapporté lundi qu’il avait été horrifié lors d’une visite dans une église catholique à Bangassou, dans le Sud, où 2 000 musulmans avaient trouvé refuge il y a trois mois et qui sont toujours encerclés par des combattants chrétiens menaçant de les tuer.

Le pape François a par ailleurs dénoncé mercredi les attaques contre les communautés chrétiennes après les violents combats qui ont fait neufs morts à Gambo, dans le sud du pays.

Risques « extrêmement hauts »

« Nous devons agir maintenant, ne pas réduire l’effort de l’ONU et prier pour ne pas avoir à vivre en le regrettant. » Selon M. O’Brien, il est temps d’augmenter le nombre de militaires et de policiers de la Minusca, la Mission de paix conduite par l’ONU en Centrafrique, afin qu’elle puisse réussir son mandat de protection des civils. « Les risques sont extrêmement hauts », a-t-il ajouté.

La semaine dernière, le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de paix, le Français Jean-Pierre Lacroix, avait déjà annoncé qu’il envisageait de demander au Conseil de sécurité de doter la Minusca de davantage de troupes. Il avait alors mis en garde contre une situation devenue « dangereuse », et prévenu que « les gains qui ont été obtenus ces dernières années [risquaient] d’être mis en question ».

La moitié de la population a besoin d’une aide alimentaire pour survivre, a par ailleurs affirmé Stephen O’Brien. « Une rechute dans une crise humanitaire de grande ampleur est imminente », a jugé le responsable onusien.

Mais les Nations unies ne disposent que de moyens financiers limités. Seuls 24 % des 497 millions de dollars réclamés lors d’un appel à l’aide humanitaire pour le pays ont pour l’heure été reçus.