Spectacle sur France 2 à 00 h 30

Le roi Arthus Chausson act1 -duet-

Ernest Chausson fait partie des victimes de ce qu’on ­appelle un « accident bê­te » : une chute à vélo, en 1899 (il a 44 ans), l’expédie au Père-Lachaise. Plus chanceux que deux autres compositeurs de l’époque, morts plus jeunes encore (Alexis de Castillon, 34 ans, en 1873 ; Guillaume Lekeu, 24 ans, en 1894), Chausson parviendra malgré tout à s’imposer comme l’un des grands de son temps. Son triptyque vocal et symphonique Poème de l’amour et de la mer, op. 19 reste l’une des plus belles déclinaisons de l’art wagnérien, que Chausson, com­me tant d’autres, aima follement avant de s’en éloigner ; son Poème pour violon et orchestre, op. 25 est inscrit au répertoire de presque tous les violonistes.

Il fallut attendre longtemps pour que son dernier opéra, Le Roi Arthus (1886-1895), sorte la tête du lac de l’oubli où il était resté : créé seulement en 1903, il connaîtra son premier enregistrement commercial en 1986, par le chef suisse Armin Jordan.

« Le Roi Arthus ». / ANDREA MESSANA

Ce n’est qu’en 2015 que l’Opéra de Paris décide de le représenter, et c’est Philippe Jordan, le fils d’Armin, qui le dirige – splendidement, à la tête d’une distribution avec notamment Roberto Alagna, en Lancelot, et Sophie Koch, en Guenièvre. Et des représentants de la jeune génération, comme les ténors Stanislas de Barbeyrac et Cyrille Dubois. Mais la mise en scène de Graham Vick est grotesque : à force de vouloir éviter le kitch, elle s’y vautre, façon postmoderne. Dieu sait que ses incongruités dans King Arthur, de Henry Purcell, avaient amusé le Théâtre du Châtelet, en 1995. Mais avoir l’impression qu’un personnage passe l’aspirateur sur un tapis vert, alors qu’il laboure un champ : on a assez soupé de ces bêtes insolences.

Malgré tout, à l’issue de cette captation de 2015, qu’il vaut mieux écouter les yeux fermés, chacun pourra certainement s’exclamer, comme un jour le regretté Jean Roy au micro de France Musique : « Chausson, ça, c’est un musicien qui me botte ! »

Le Roi Arthus, opéra d’Ernest Chausson. Avec Roberto Alagna, Thomas Hampson, Sophie Koch, Stanislas de Barbeyrac, Peter Sidhom, Cyrille Dubois, Graham Vick (mise en scène), Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction). Captation réalisée par François-René Martin (Fr., 2015, 166 min).