L’escalade verbale entre les Etats-Unis et la Corée du Nord a franchi une nouvelle étape jeudi 10 août, quand Donald Trump a défendu sa formule controversée sur « le feu et la colère » promis à Pyongyang, estimant qu’elle n’était « peut-être pas assez dure ». Le président américain a fait ses déclarations lors de sa rencontre avec son équipe de conseillers à la sécurité nationale, puis devant la presse. Il tenait une conférence de presse depuis son golf de Bedminster, dans le New Jersey, où il passe des vacances.

  • Florilèges d’assertions

Trump a visé plus particulièrement le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. « Il a grandement manqué de respect à notre pays. Il a dit des choses horribles. Et avec moi, il ne va pas s’en tirer comme ça. (…) La donne a changé », a-t-il dit.

Loin d’atténuer ses propos après avoir déclaré mardi que la Corée du Nord aurait à faire face « à un feu et à une fureur que le monde n’a encore jamais vus » si elle poursuivait ses menaces contre les Etats-Unis avec ses programmes balistique et nucléaire, Donald Trump a développé sa mise en garde.

« Je lis, dit-il à la presse, en reprenant la dépêche de l’agence nord coréenne de mercredi : ‘Nous serons à Guam d’ici le 15 août.’Voyons ce qu’il fait avec Guam. S’il fait quelque chose à Guam, ce qui arrivera en Corée du Nord sera un événement jamais vu jusqu’alors. » Donald Trump poursuit en martelant : « Ce n’est pas un défi. C’est une déclaration […] Il (en parlant de Kim Jong-un) ne va pas continuer à menacer Guam. Et il ne va pas menacer les Etats-Unis. Et il ne va pas menacer le Japon. Et il ne va pas menacer la Corée du Sud ».

Accusant ses prédécesseurs d’être restés passifs, « Il est grand temps que quelqu’un parle haut et fort pour les habitants de notre pays et les habitants d’autres pays », a-t-il déclaré.

Plusieurs solutions de sortie de crise sont toutefois envisagées par les analystes.

  • Retour aux négociations

La Corée du Nord dispose de l’arme nucléaire, et, selon le Washington Post, le renseignement militaire américain en est désormais convaincu : Pyongyang a réussi à suffisamment miniaturiser une bombe atomique pour l’embarquer sur l’un de ses missiles intercontinentaux. Il faut accepter le fait que la Corée du Nord possède maintenant des armes nucléaires, expliquent certains spécialistes, ce qui rend toute action militaire impossible car trop dangereuse,

« Pour les Etats-Unis, il ne reste plus qu’à négocier avec la Corée du Nord, pour essayer de réduire les tensions et résoudre certains conflits. Il ne faut plus essayer de leur enlever l’arme nucléaire », développe Jeffrey Lewis, chercheur à l’Institut Middlebury des études internationales.

A la fin de sa conférence, Trump affirmé que « bien sûr » que négocier avec la Corée du Nord serait toujours étudié, mais a ajouté que les pourparlers échouaient depuis vingt-cinq ans. Dans les années 2000, Pyongyang semblait pourtant avoir commencé à se faire à l’idée d’un ralentissement et d’un contrôle de son programme nucléaire, après des discussions multilatérales avec la Chine, la Russie, le Japon, les Etats-Unis et la Corée du Sud. Mais le pays était alors dirigé par Kim Jong-Il. Son fils et actuel leader, Kim Jong-Un, a pour sa part refusé tout dialogue.

  • Pressions de la Chine

Donald Trump et le vice-president Mike Pence (à droite) devant des reporters après un briefing sur la sécurité nationale le 10 août 2017. / JONATHAN ERNST / REUTERS

Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord le week-end dernier. La Russie et la Chine - alliée et partenaire économique du régime nord-coréen - ont approuvé ces mesures, qui pourraient coûter à Pyongyang un milliard de dollars annuels en revenus.

La Chine compte pour 90 % des échanges commerciaux de la Corée du Nord et a déjà été accusée dans le passé de ne pas vouloir appliquer des sanctions qu’elle avait votées contre le régime coréen. Pékin jouera donc un rôle important en cas de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, mais craint un effondrement du régime de Kim Jong-Un.

Donald Trump n’a pour sa part pas épargné la Chine et a exhorté le pays à durcir le ton avec la Corée du Nord. « La Chine peut faire beaucoup plus », a ainsi déclaré le président américain jeudi.

  • La guerre

Les scénarios du Pentagone en cas d’intervention militaire varient de la frappe chirurgicale sur des cibles précises, à l’attaque préventive pour pousser à un soulèvement de la population nord-coréenne et renverser Kim Jong-Un. Mais toute intervention armée entraînerait de la part de Pyongyang des conséquences difficiles à imaginer avec certitude et précision, mais à la gravité certaine.

Le ministre de la Défense Jim Mattis a déjà mis en garde contre la dangerosité des représailles de Pyongyang, en expliquant qu’elles seraient « d’un niveau inédit depuis 1953 », et la fin de la guerre de Corée. Kim Jong-Un a amassé des unités d’artillerie à la frontière avec la Corée du Nord, à seulement 55 kilomètres de Séoul.

Mais le scénario d’une guerre ouverte entre les deux pays de la péninsule semble être encore peu probable. C’est bientôt la saison des récoltes en Corée du Nord et Kim Jong-Un n’a pas annoncé de mobilisation militaire, qui viderait dangereusement ses usines et ses champs de récolte, faisant risquer une famine à son peuple, selon Joe Bermudez, analyste pour le site « 38 North ». « Kim Jong-Un n’est pas une personne bête. Il est très peu probable qu’il mobilise ses troupes à cette période », assure-t-il.

Une éventuelle guerre entre les Etats-Unis et la Corée du Nord serait « catastrophique », a reconnu jeudi le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, assurant à l’inverse que les efforts diplomatiques pour régler la crise avec Pyongyang portaient leurs fruits. « La guerre est une tragédie bien assez connue, il n’y a pas besoin de faire un dessin, cela serait catastrophique », a déclaré le chef du Pentagone, alors que le président Donald Trump redouble de virulence rhétorique face à la Corée du Nord.