Angela Merkel, le 12 août 2017. / WOLFGANG RATTAY / REUTERS

Occuper l’espace politique de ses adversaires dans l’espoir de les désarmer. S’approprier les critiques de ses contempteurs dans le but de les rendre inaudibles. A six semaines des élections législatives du 24 septembre, la chancelière allemande Angela Merkel s’était à l’évidence fixé ces deux objectifs pour le premier meeting de sa campagne, samedi 12 août, à Dortmund (Rhénanie-du-Nord-Westphalie).

Au cours des quarante minutes de son discours , Mme Merkel n’a pas prononcé une seule fois le nom de son principal challenger, Martin Schulz, le président du Parti social-démocrate (SPD). Il n’empêche : c’est bien sur le terrain de celui-ci, au sens propre comme au figuré, que la présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a décidé de lancer l’offensive.

Mme Merkel souhaitait clairement s’adresser aux électeurs de son adversaire

A ce titre, le choix de Dortmund ne doit rien au hasard : en tenant son premier meeting dans cette grande ville industrielle considérée comme un bastion de la social-démocratie allemande, au cœur d’un Land que la CDU a arraché au SPD à la surprise générale lors des élections régionales du 14 mai et là même où M. Schulz, le 25 juin, avait dévoilé son propre programme, Mme Merkel souhaitait clairement s’adresser aux électeurs de son adversaire.

Le cadre du meeting – une rencontre organisée par l’Organisation des travailleurs chrétiens-démocrates (CDA), l’aile dite « sociale » de la CDU – était un signe supplémentaire de cette volonté. Elle-même ne s’en est pas cachée, reconnaissant comme « symbolique » le fait d’avoir saisi cette occasion pour son premier déplacement de candidate, deux jours après la fin de ses presque trois semaines de vacances dans le Tyrol italien.

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Dix meetings en cinq jours

Alors que M. Schulz a choisi de faire campagne sur le thème de la « justice sociale », Mme Merkel s’est efforcée de se présenter comme étant la mieux à même de défendre le modèle allemand d’« économie sociale de marché ». Pour cela, elle n’a pas manqué de mettre en avant son bilan, notamment en matière d’emploi.

Alors que le retour du plein emploi à l’horizon 2025 est l’un des rares engagements précis qui figurent dans le programme de la CDU, présenté début juillet à Berlin, la chancelière-candidate a rappelé que le chômage avait diminué de moitié depuis son arrivée au pouvoir, en 2005. « Aujourd’hui, 44 % de personnes ont un emploi dans le pays. C’est un chiffre formidable », s’est-elle félicitée, tout en promettant de mieux prendre en charge les chômeurs de longue durée et d’améliorer la formation professionnelle, deux promesses également mises en avant par le SPD.

A ses adversaires qui font remarquer que la baisse du taux de chômage en Allemagne a pour corollaire une explosion du nombre d’emplois précaires, Mme Merkel a également tenu à opposer un autre élément du bilan de son gouvernement : l’introduction du salaire minimum. « Le salaire minimum a offert une sécurité à beaucoup de gens », a-t-elle rappelé, en omettant toutefois de préciser que la paternité de cette réforme, entrée en vigueur en 2015, revenait au SPD qui en avait fait une des conditions de son entrée au gouvernement en 2013...

Essayer de faire taire ceux qui cherchent à l’attaquer

Très critiquée, ces dernières semaines, pour s’être tenue à l’écart des polémiques dont est l’objet l’industrie automobile allemande, Mme Merkel a également profité de son premier meeting de campagne pour essayer de faire taire ceux qui cherchent à l’attaquer sur ce point. « De larges pans de l’industrie automobile ont perdu notre confiance », a-t-elle affirmé, avant d’enjoindre les constructeurs automobiles à privilégier davantage les technologies propres.

Sur le fond, pourtant, la chancelière-candidate, à qui beaucoup reprochent d’avoir trop ménagé l’industrie automobile depuis l’éclatement du scandale des moteurs diesel trafiqués, en 2015, est restée d’une grande prudence, assurant qu’elle était contre les interdictions de circulation envisagées par certaines grandes villes, comme Stuttgart et Munich, et opposée à l’idée d’imposer des quotas de véhicules électriques, défendue par M. Schulz.

D’ici aux élections législatives, Mme Merkel doit tenir une cinquantaine de meetings en Allemagne. Pas moins de dix sont prévus entre lundi et vendredi : deux par jour, l’un à 17 heures, l’autre à 20 heures, dans deux villes différentes. Selon un sondage de l’institut Forsa publié mercredi, la CDU, alliée aux conservateurs bavarois de la CSU, serait en mesure d’obtenir 40 % des voix le 24 septembre, 17 points de plus que le SPD.