Le pasteur Hyeon Soo Lim acceuilli au Canada le August 13, quelques jours après sa libération. / COLE BURSTON / AFP

La nouvelle contraste dans le climat de tensions qui règne actuellement entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Mercredi 8 août, le régime de Pyongyang a en effet annoncé la libération du pasteur canadien Hyeon Soo Lim. Condamné en décembre 2015 à une peine de prison à vie pour crimes contre l’Etat nord-coréen, l’homme, aujourd’hui âgé de 62 ans, avait été accusé d’avoir porté atteinte à la dignité du chef suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un, et d’avoir tenté de se servir de la religion pour détruire le système du pays. Jusqu’à son arrestation, il était considéré comme l’un des plus influents missionnaires chrétiens dans ce pays.

Le religieux, qui officie pour l’Eglise presbytérienne coréenne de la Lumière de Toronto, a été rapatrié au Canada samedi 12 août. Le régime de Kim Jong-un affirme avoir libéré M. Lim pour des raisons de santé. Mais voilà plusieurs mois que le gouvernement canadien était en négociation avec Pyongyang.

Ses proches ont expliqué qu’il s’était rendu en Corée du Nord le 31 janvier 2015 dans le cadre d’une mission humanitaire. Il y avait fait plus de 100 séjours depuis 1997 et ses voyages n’avaient aucune vocation politique, selon eux. Mais certains projets auxquels il participait, notamment une usine de pâtes alimentaires et des moulins, étaient liés à des associés de Jang Song-Thaek, un oncle de Kim Jong-un arrêté et exécuté pour trahison en décembre 2013.

Pyongyang réclamait un ambassadeur

Les premiers échanges diplomatiques pour la libération de Hyeon Soo Lim ont débuté au siège des Nations unies à New York. La Corée du Nord, suspectée de se servir des ressortissants étrangers qu’elle détient comme moyen de pression, a fait connaître ses exigences. Le régime souhaitait qu’Ottawa nomme un ambassadeur, ou au moins un émissaire permanent dans le pays. Le gouvernement de Justin Trudeau a néanmoins toujours refusé de se plier à cette exigence. Les autorités nord-coréennes ont également demandé que le Canada paye les frais médicaux du pasteur, qui s’élevaient à plusieurs milliers de dollars. M. Lim a notamment besoin d’un traitement médicamenteux pour contrôler sa pression sanguine.

Les négociations en étaient là lorsque, début août, Pyongyang a accepté l’envoi d’un émissaire. Le gouvernement canadien a alors dépêché sur place le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, Daniel Jean.

« La Corée du Nord a apprécié que le Canada ait envoyé un émissaire qui leur a montré du respect et qui était un proche du premier ministre Trudeau. Cela démontrait qu’il la prenait au sérieux et que, malgré des désaccords idéologiques, il était possible de s’asseoir à la même table et de discuter. Ça a fait une différence énorme », a affirmé au lendemain de la libération du pasteur sur CBC, Lisa Pak, porte-parole de la famille Lim.

Soutien aux Etats-Unis

Mme Pak croit aussi que le décès de l’étudiant américain Otto Warmbier, en juin, a contribué à la libération du citoyen canadien. « Quand une personne meurt en raison du traitement qu’elle a reçu quand elle était incarcérée dans votre pays, ça met une certaine pression sur vous et remet en question votre respect des droits de la personne, a-t-elle fait valoir sur CBC. Les Nord-Coréens disent avoir une politique de respect des droits de la personne et veulent maintenir [leur réputation], ce qui a pu les amener à revoir leurs pratiques en matière de détention. »

De retour au Canada, le pasteur Lim a pu revoir ses proches et rencontré pour la première fois sa petite-fille, née en septembre 2016. Sitôt la libération du pasteur confirmée, le gouvernement canadien s’est réjoui de la nouvelle. Dans un communiqué saluant son retour, Justin Trudeau en a aussi profité pour remercier le travail de la Suède, un des rares pays à avoir une ambassade en Corée du Nord et qui représente, dans les faits, plusieurs nations occidentales.

Même si cette libération laisse supposer qu’il est possible de discuter avec la Corée du Nord, le Canada continue à dénoncer les exactions du régime de Kim Jong-un. Vendredi 11 août, la ministre des affaires étrangères, Chrystia Freeland, a ainsi estimé que le programme nucléaire de cet Etat dictatorial représente une « sérieuse menace » pour la sécurité internationale.

Mme Freeland a renouvelé le soutien du Canada aux Etats-Unis alors que le dialogue s’envenime entre Donald Trump et le leader nord-coréen. Mais la ministre croit que la situation peut être désamorcée par la voie diplomatique.