« Dendi ! Dendi ! Dendi !  » clame la foule venue voir le tournoi annuel du jeu vidéo Dota 2, The International, organisé du lundi 7 au samedi 12 août à Seattle par son éditeur Valve. Danylo « Dendi » Ishutin, classé 44e dans le monde des joueurs de Dota 2, est le chouchou de la foule et a été choisi pour se battre vendredi publiquement contre un programme informatique. Celui-ci a été développé par OpenAI, une organisation cofondée par Elon Musk, le patron de Tesla.

Dendi vs. OpenAI at The International 2017

La petite clé USB noire branchée à un ordinateur de compétition arrive à écraser Dendi à la première partie en dix minutes. La seconde est expédiée encore plus rapidement : « Je suis mort, non, non, non !, s’inquiète le joueur. Ok, j’abandonne... »

Dans une vidéo publiée par OpenAI, on apprend que quelques jours plus tôt, ce programme d’intelligence artificielle (IA) avait déjà battu les plus grands joueurs de Dota 2 : Arteezy (premier du classement mondial général) et SumaiL (premier du classement un contre un).

Un exploit à relativiser

Mais cet exploit a ses limites. Le programme d’OpenAI s’est battu contre ces experts en un contre un. Or, Dota 2 est un jeu d’arène qui se joue traditionnellement en équipe, à cinq contre cinq. Les parties en un contre un ont des restrictions bien particulières, et les paramètres à gérer pour un programme informatique sont bien moins complexes que pour une partie normale.

Qui plus est, à force de voir jouer le programme, des joueurs amateurs ont fini par comprendre sa technique de jeu et ses points faibles et ont réussi à le vaincre. Dendi, Arteezy et SumaiL n’avaient quant à eux pas pu le voir jouer avant de l’affronter. Des récompenses étaient d’ailleurs promises aux cinquante premiers joueurs à le vaincre. Avant la fin de la journée, toutes avaient été remportées.

Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir pour ce programme avant de pouvoir gérer les dynamiques d’une équipe et maîtriser le jeu dans son ensemble.

Ce qui n’empêche pas OpenAI de se réjouir de ses résultats. Greg Brockman, le directeur technique d’OpenAI, explique dans la vidéo qu’il n’a fallu au programme que deux semaines « d’entraînement » pour parvenir à ce niveau. « Nous ne lui avons jamais appris de stratégie, ajoute dans la même vidéo l’un des ingénieurs d’OpenAI, Jakub Pachocki. Dès le début elle s’est juste entraînée contre une copie d’elle-même – on a commencé avec un jeu complètement au hasard, elle a commencé a faire de petits progrès, atteindre un jeu d’amateur... puis elle est arrivée à un niveau pro. »

L’ambivalence d’Elon Musk

Mais le but affiché d’OpenAI n’est pas de créer des programmes capables de jouer au jeu vidéo, explique Greg Brockman. Ce type de technologie, souligne-t-il, pourrait être utile pour d’autres applications complexes comme des opérations chirurgicales – qui sont très désordonnées et imprévisibles. « Car l’objectif d’OpenAI est de créer des intelligences artificielles qui seraient bonnes et positives pour l’homme. »

C’est le mot d’ordre d’OpenAI, une organisation à but non lucratif, depuis son lancement en 2015. Celle-ci se présente comme un rempart face aux dangers potentiels de l’intelligence artificielle. Dangers que ne cesse de dénoncer son cofondateur Elon Musk. Samedi encore, celui qui investit massivement dans l’IA écrivait sur Twitter : « Si vous n’êtes pas inquiets de la sécurité des intelligences artificielles, vous devriez l’être. Les risques sont largement plus grands qu’avec la Corée du Nord. »

OpenAI n’est pas la seule à s’intéresser de près aux jeux vidéo. La semaine dernière, DeepMind, une entreprise d’intelligence artificielle appartenant à Google, a mis à disposition des chercheurs en IA une séries d’outils pour travailler sur le jeu Starcraft 2, un autre jeu star de l’e-sport, sur lequel elle travaille depuis plusieurs mois. Quelques jours plus tôt, c’est Facebook qui annonçait la mise à disposition de dizaines de milliers de parties de Starcraft pour « entraîner » des programmes. Des défis techniques ambitieux, et qui ont aussi le mérite, dans la course à l’intelligence artificielle que mènent ces organismes, d’assurer une grande visibilité aux vainqueurs quand on connaît la popularité de ces jeux vidéo.