LES CHOIX DE LA MATINALE

On est au tréfonds de l’été, pas de grosses sorties – mis à part celle d’Atomic Blonde, qui n’a pas convaincu notre confrère Jean-François Rauger – et peu de films d’auteur : deux en tout, l’un ukraino-russe, l’autre franco-japonais. Pour compléter le menu, on (re)découvrira Les Désaxés, l’étrange film de John Huston peuplé de stars (et de chevaux) en voie d’extinction et l’on ira – si l’on est parisien et si le temps le permet – au cinéma sous les étoiles.

PROMENADE JAPONAISE AVEC L’AMOUR ET LA MORT : « Lumières d’été »

Auteur d’un stupéfiant montage d’archives réorchestrant la gestation de la Fraction armée rouge (Une jeunesse allemande, 2015), Jean-Gabriel Périot, qui œuvre depuis près de quinze ans dans le cadre du court-métrage expérimental, franchit avec Lumières d’été le cap du long-métrage de fiction. Après une bouleversante séquence d’ouverture – une survivante raconte le bombardement atomique d’Hiroshima –, le film bascule du confinement du studio et de la gravité de l’histoire à l’extérieur rayonnant de l’été et à l’insouciance d’une promenade.

Secoué par ce qu’il vient d’entendre, Akihiro (le francophone Hiroto Ogi, vu dans Les Rues de Pantin, de Nicolas Leclère), réalisateur de reportages pour la télévision, marche dans un parc et rencontre Michiko (Akane Tatsukawa), une jeune femme au charme suranné. S’établit ainsi un équilibre fragile entre deux temporalités disjointes, mais qui s’affectent mutuellement. Bien qu’inégal, Lumières d’été n’en demeure pas moins une tentative atypique de fiction franco-japonaise, qui ne s’aventure à marier les contraires que pour gagner autant en légèreté qu’en profondeur. Mathieu Macheret

Film français et japonais de Jean-Gabriel Périot. Avec Hiroto Ogi, Akane Tatsukawa, Yuzu Hori (1 h 23).

VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER POSTSOVIÉTIQUE : « Une femme douce »

Une femme douce - Bande annonce

Sergei Loznitsa, ingénieur ukrainien devenu cinéaste soviétique (il a étudié au VGIK moscovite) au moment de l’éclatement de l’URSS, s’acharne à disséquer ce corps malade qui ne veut pas mourir, l’empire soviétique. Après l’avoir longtemps fait sur le mode du documentaire, il est passé à la fiction en 2010. Présenté à Cannes en mai, Une femme douce suit le trajet dantesque d’une femme qui tente de retrouver son mari, disparu dans les méandres du système carcéral russe.

Mal accueilli à Cannes, ce film empli de colère, souvent monocorde, se suivra d’un œil plus bienveillant si l’on a vu les documentaires qui l’ont inspiré, réédités en ce moment par les éditions Potemkine. La salle d’attente emplie de voyageurs endormis qui désespèrent d’arriver à leur destination, les passagers à l’arrêt d’une ligne de bus qui font le bilan dérisoire d’une journée passée à esquiver les pièges d’un système absurde, Loznitsa ne les a pas inventés, il les a simplement fait passer du réel à l’imaginaire. Thomas Sotinel

Film franco-allemand de Sergei Loznitsa. Avec Vasilina Makovtseva, Marina Kleshcheva, Lia Akhedzhakova (2 h 23).

Revue suivi de The Event, 1 DVD Potemkine. Sergei Loznitsa, documentaires, 2 DVD Potemkine.

ECHOS DES ÉTOILES MORTES : « Les Désaxés »

The Misfits trailer

Ce fut le dernier film pour Clark Gable et Marilyn Monroe. Le premier mourut quelques jours après la fin du tournage, la seconde un an plus tard. Quant à Montgomery Clift, il lui restait encore à incarner Sigmund Freud pour le même réalisateur, John Huston, avant de prendre congé. Peuplé de stars en fin de trajectoire, Les Désaxés se présente comme une oraison funèbre pour l’Ouest de la légende. Les cow-boys fauchés qu’incarnent Gable et Clift, la divorcée naïve que joue Monroe sont les fantômes des héros et héroïnes des grands westerns.

Sur un scénario du dramaturge Arthur Miller, qui était à l’époque en train de divorcer de Marilyn Monroe (c’est le film de toutes les fins), Huston ne lésine pas sur le symbolisme (le trio chasse des chevaux sauvages destinés à la boucherie) et sa main se fait parfois lourde. Mais la place singulière des Désaxés dans la filmographie de ses acteurs, quelques séquences tout aussi remarquables que les seconds rôles (Thelma Ritter, Eli Wallach) en font un spectacle dont on ne se lasse pas. T. S.

Film américain de John Huston (1962), avec Marilyn Monroe, Clark Gable, Montgomery Clift (2 h 05).

CINÉMA EN PLEIN AIR : grande bouffe à La Villette

Sideways - Trailer

Ce sont les derniers jours de l’édition 2017 du cinéma en plein air dans le parc du nord de la capitale, rite cinéphile parisien, dont le mot d’ordre est cette année « A table ! » On commencera donc, le 17 août, par une dégustation de pinots noirs californiens (Sideways, d’Alexander Payne), suivie le lendemain d’un couscous poisson (La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche). Le week-end sera consacré au plat de résistance (la Ratatouille selon Rémy le rat) et au dessert (le gâteau d’amour de Peau d’âne, de Jacques Demy).

C’est-à-dire une comédie légèrement dépressive qui lance deux bons à rien sur les routes, une démonstration de virtuosité verbale et de mise en scène sur les quais du port de Sète, la représentation la plus étonnante de la France que Hollywood ait jamais proposée et un délicieux nuage de crème et de barbe à papa. Bon appétit. T. S.

Du 17 au 20 août, à 21 h 30, prairie du Triangle, Parc de La Villette, Paris 19e.