La statue d’un soldat confédéré après qu’elle a été déboulonnée, à Durham (Caroline du Nord), le 15 août. / ALLEN BREED/AP

La remise en cause de la présence de monuments rendant hommage aux figures confédérées ne cesse de prendre de l’importance aux Etats-Unis. Selon un rapport publié en 2016 par le Southern Poverty Law Center, spécialisé dans les mouvements extrémistes et les droits civiques, plus de 1 500 symboles de l’ancienne confédération esclavagiste créée lors de la guerre civile américaine de 1861 à 1865 ont été recensés, la plupart dans les anciens Etats sécessionnistes du Sud. Ce chiffre inclut plus d’une centaine d’écoles publiques portant le nom de soldats ou d’hommes politiques des Etats sécessionnistes.

Signe de la prégnance de cette histoire, dix bases militaires portent le nom de soldats confédérés, selon le rapport rédigé après le retrait, en juillet 2015, du drapeau confédéré qui flottait devant le Capitole de Columbia, en Caroline du Sud. Elles sont toutes situées dans le sud du pays. Six anciens Etats sécessionnistes ont d’ailleurs des jours fériés qui rendent hommage aux noms de la guerre civile, dont le chef militaire Robert E. Lee, ou l’éphémère président des Etats confédérés, Jefferson Davis.

Ces monuments suscitent les critiques de plus en plus virulentes de mouvements antiracistes. A Durham (Caroline du Nord), la statue d’un soldat confédéré érigée en 1924 a été abattue, lundi 14 août, par des manifestants. Les monuments à la gloire de figures sécessionnistes sont protégés par la loi dans cet Etat. Le même jour, une autre a été déboulonnée à Gainesville (Floride). A Nashville (Tennessee), des dizaines de manifestants ont réclamé le retrait du Capitole d’un buste de Nathan Bedford Forrest, général confédéré et fondateur du Ku Klux Klan.

« Nous ne pouvons pas continuer à rendre hommage à ces hommes qui se sont battus pour préserver l’esclavage », a déclaré Jim Gray, le maire démocrate de Lexington (Kentucky)

Samedi 12 août, le maire de Lexington (Kentucky), le démocrate Jim Gray, avait annoncé sa volonté de déplacer deux statues confédérées. « La guerre de Sécession a été une période noire de notre histoire. Certes, nous ne devons pas oublier. Mais nous devons raconter avec exactitude et véracité ce qu’il s’est passé », a déclaré M. Gray, rappelant qu’à Lexington se trouvait « l’un des plus grands marchés aux esclaves d’Amérique (…). Nous ne pouvons pas continuer à rendre hommage à ces hommes qui se sont battus pour préserver l’esclavage, sur un sol où des hommes, des femmes et des enfants ont été eux-mêmes vendus comme esclaves. »

Plus récemment, quatre monuments ont été déboulonnés à La Nouvelle-Orléans (Louisiane). Comme souvent, ces retraits ont fait l’objet d’une sourde bataille juridique. Compte tenu des tensions, le démantèlement de ces statues a été effectué la nuit, sous protection policière.

Match nul mémoriel

Pour leurs défenseurs, enlever ces symboles revient à effacer un pan de l’histoire américaine et de l’héritage sudiste. Mais, selon les historiens, la majorité a été érigée pendant la ségrégation raciale, principalement dans les années 1910-1920, au moment de la disparition de la génération qui avait participé à la guerre de Sécession. Une dernière vague d’installation de monuments a coïncidé avec les années 1960, en réaction avec le mouvement des droits civiques.

« Des statues ont été érigées dans le but de réécrire l’histoire pour glorifier la confédération et perpétuer l’idée de la suprématie blanche », écrivait le maire démocrate de La Nouvelle-Orléans, Mitch Landrieu, le 11 mai, dans les colonnes du Washington Post. « Ces monuments ne sont pas des marqueurs lugubres de notre héritage de l’esclavage et de la ségrégation, mais un hommage à ces derniers. Ils dressent un récit inexact de notre passé, sont un affront à notre présent et une médiocre prescription pour notre avenir », avait-il ajouté.

En 2015, dans le même journal, un historien de l’université du Vermont, James W. Loewen, auteur d’un ouvrage au titre évocateur, Lies My Teacher Told Me (« Les mensonges que me racontait mon professeur », The New Press, 1995, non traduit), estimait qu’en dépit de sa défaite militaire et politique, le camp sudiste est parvenu à préserver une sorte de match nul mémoriel par le truchement de monuments. Il prenait l’exemple du Tennessee, qui avait voté contre la sécession et qui avait numériquement davantage soutenu les forces de l’Union que les confédérés. Selon les recensements des historiens de l’Etat, ce dernier compterait aujourd’hui soixante-douze monuments consacrés aux confédérés, contre deux à leurs vainqueurs.