Les bons chiffres des deux premiers trimestres (6,9 % à chaque fois) rassurent les Bourses et les investisseurs, mais inquiètent les économistes qui s’intéressent aux fondamentaux de l’économie chinoise. / WANG ZHAO / AFP

Bien que la Chine affiche une croissance meilleure que prévu, l’état de son économie inquiète le Fonds monétaire international (FMI). L’organisation internationale estime que le pays ne fait pas assez d’efforts et continue à s’endetter alors qu’il devrait assainir ses finances. « Les perspectives de la croissance chinoise à court terme se sont renforcées, mais c’est au prix de risques accrus à moyen terme », mettent en garde les experts du FMI, dans une note publiée mardi 15 août.

C’est le paradoxe de la croissance chinoise : les bons chiffres des deux premiers trimestres 2017 (6,9 % à chaque fois) rassurent les Bourses et les investisseurs, mais inquiètent les économistes qui s’intéressent aux fondamentaux de son économie. C’est là que le bât blesse. Selon le Fonds, ce sont toujours les investissements dans les infrastructures et l’immobilier qui font tourner la « vieille économie » chinoise : l’industrie lourde, la production d’acier, de ciment, etc. D’après l’agence Bloomberg, les investissements d’infrastructures représentent 22 % du total des investissements en actifs fixes en Chine, soit plus qu’en 2009, au moment du lancement d’un vaste plan de relance destiné à surmonter la crise.

Des efforts pour limiter le surendettement et les surcapacités

La Chine, toutefois, est parvenue à stabiliser son économie et fait des efforts pour limiter le surendettement et les surcapacités dans certains domaines très touchés, comme l’acier et le charbon. « D’importantes mesures de régulation et de supervision ont été prises contre les risques du secteur financier, et la dette des entreprises progresse moins vite, reflétant des initiatives de restructuration et de réduction des surcapacités », souligne le rapport. Depuis le début de l’année, les autorités se sont attaquées à la finance de l’ombre (« shadow banking »), en particulier aux produits de gestion de fortune proposés par les banques et les assureurs chinois, qui représentent des milliards d’euros.

La croissance au premier semestre 2017 a dépassé les attentes des économistes, notamment grâce aux retombées de l’envolée de l’immobilier. Dans certaines grandes villes, les prix ont augmenté de plus de 30 % en 2016, faisant les affaires des grands promoteurs. « Si on regarde la structure de l’endettement en Chine, il y a du progrès : les nouvelles dettes accumulées cette année l’ont surtout été par les promoteurs et par les ménages. Avant, elles étaient le fait d’entreprises qui ne survivent que grâce au crédit », analyse Hao Hong, directeur de la recherche à la Bank of Communications International.

Libérer la consommation des ménages

En revanche, la transition vers une économie reposant davantage sur la consommation intérieure et les services tarde à se concrétiser. Pour accélérer le processus, le FMI recommande à Pékin de mettre en œuvre davantage de réformes structurelles visant à libéraliser l’économie. De nombreux secteurs d’activité (industrie lourde, banque, télécoms, énergie…) restent dominés par des grandes entreprises d’Etat. Or, ces dernières, malgré les promesses de l’exécutif de laisser plus de place au marché, restent peu soumises à la concurrence et très peu productives. Pire, les « entreprises zombies », maintenues en vie seulement grâce à des crédits quasi illimités, ont capté 14 % des prêts distribués à l’industrie en 2016, contre 4 % en 2011.

Le Fonds exhorte aussi Pékin à augmenter ses dépenses sociales, pour libérer la consommation des ménages, qui mettent de l’argent de côté pour pourvoir à d’éventuelles dépenses de santé. Si la nouvelle économie ne prend pas assez vite le relais, la Chine en paiera les conséquences. Selon le FMI, en effet, « le principal coût [de la croissance actuelle], c’est un accroissement plus important de l’endettement privé et public », un phénomène « souvent associé à des crises financières ». Le réveil pourrait arriver vite : « L’immobilier commence à ralentir, les investissements baissent. La situation pourrait être bien pire à partir de mi-2018 », estime Hao Hong.