Avant d’exécuter ses prisonniers, Mahmoud Al-Werfalli les accuse parfois d’appartenir à l’organisation Etat islamique (EI). Pourtant, ce commandant de la brigade Al-Saiqa, forces spéciales alliées à l’Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar, s’inspire directement de l’EI pour la mise en scène de ses exécutions, dont certaines ont été filmées et mises en ligne par ses hommes.

A bout portant

Dans la dernière vidéo, datée du 17 juillet 2017, 18 condamnés sont à genoux, en tenue orange, la tête couverte d’un capuchon noir, les mains liées dans le dos et alignés sur quatre rangées. Lui-même est en pantalon de camouflage, tee-shirt et casquette noirs. Mahmoud Al-Werfalli, 39 ans, prononce ensuite sa sentence avant d’abattre ou de faire abattre par ses hommes ses victimes, à bout portant, d’une balle dans la tête.

Mardi 15 août, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré un mandat d’arrêt contre Mahmoud Al-Werfalli, qui l’accuse de crimes de guerre pour des meurtres commis entre le 3 juin 2016 et le 17 juillet 2017 dans la région de Benghazi.

Après trois ans de combat contre des groupes djihadistes, les forces du maréchal Haftar sont parvenues, en juillet, à reprendre la ville, lui permettant de confirmer sa domination sur l’est du pays. Soutenu par l’Egypte et les Emirats arabes unis, le maréchal Haftar est considéré par les Occidentaux comme un élément clé du règlement politique de la crise libyenne. En juillet, il avait été reçu, avec le premier ministre libyen Fayez Al-Sarraj, par le président français, Emmanuel Macron, à La Celle Saint-Cloud.

Au moins 33 personnes auraient été exécutées sous les ordres et de la main du capitaine Al-Werfalli. Sur plusieurs vidéos postées sur internet et incluses dans le dossier de la procureure de la CPI, Al-Werfalli exécute des prisonniers, « des civils ou des personnes hors de combat ».

En juillet, les exactions du commandant libyen, qui a rejoint la brigade Al-Saiqa après la chute du régime Kadhafi, ont été dénoncées par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU (HCDH). L’organisation demandait au maréchal Haftar de conduire des enquêtes et de suspendre Mahmoud Al-Werfalli. Mais presque dans le même temps, le commandant Werfalli procédait le 17 juillet à l’exécution de 18 nouveaux condamnés.

« Tu as été trompé par Satan »

Des crimes « exceptionnellement cruels, déshumanisants et dégradants », soulignent les juges dans leur mandat d’arrêt. Lors d’un autre épisode, Al-Werfalli aurait asséné à l’une de ses victimes : « Tu as été trompé par celui qui t’a fait mal. Tu as été trompé par Satan », avant de l’abattre d’une balle dans la tête. Le procureur n’a pas identifié toutes les victimes, mais deux hommes, emprisonnés dans une cage avant leur exécution, seraient des membres du Conseil de la choura des révolutionnaires de Benghazi, coalition de brigades révolutionnaires, islamistes et djihadistes, et de leurs alliés d’Ansar Al-Charia, proches d’Al-Qaïda.

Pour les juges de la Cour, la violence « dépasse le niveau d’actes isolés et sporadiques ». Ils ordonnent donc l’arrestation immédiate de l’homme, « susceptible de continuer à commettre des crimes de gravité similaire dans un proche avenir ». De son côté, la procureure a exhorté « la communauté internationale à coopérer et à aider la Libye […] pour garantir l’arrestation de M. Al-Werfalli et sa remise à la CPI ». Fatou Bensouda a aussi demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de « soutenir de tels efforts ». C’est ce même Conseil qui avait saisi la CPI des crimes commis en Libye fin février 2011, quelques jours après le début de la révolution.

Trois premiers mandats d’arrêt avaient été émis quatre mois plus tard, contre Mouammar Kadhafi, son fils, Seif Al-Islam Kadhafi, et l’ex-chef des renseignements militaires libyens, Abdallah Senoussi. Au pouvoir après la chute du régime et la mort du « Guide » libyen, le Conseil national de transition avait néanmoins refusé de transférer tout suspect à La Haye. De son côté, la Cour avait considéré que Senoussi pouvait être jugé à Tripoli. Condamné à mort au terme d’un procès émaillé d’irrégularités dénoncées par des observateurs de la Mission des Nations unies en Libye, l’ex-chef des renseignements militaires est toujours détenu à Tripoli.

Quant à Seif Al-Islam Kadhafi, il aurait quitté Zintan, ville proche de la frontière tunisienne, en juin dernier. Détenu depuis 2011 par une milice anti-Kadhafi, le suspect serait aujourd’hui introuvable. Enfin, en avril 2017, la CPI avait rendu public un autre mandat d’arrêt, émis en 2013, contre Al-Touhami Khaled. Longtemps exilé en Egypte, l’ancien chef de la sécurité du colonel Kadhafi avait finalement quitté le pays en avril, sans être arrêté.