Violences à Charlottesville : pour Trump, la responsabilité est « des deux côtés »
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La consternation est générale dans la presse américaine à en croire les gros titres, mercredi 16 août, après les dernières déclarations de Donald Trump sur les violences de Charlottesville. Cette ville de Virginie a été le théâtre d’affrontements entre des partisans de l’extrême droite et des contre-manifestants antiracistes. Les violences ont dégénéré le 12 août avec la mort d’une manifestante antiraciste, écrasée par une voiture qui était conduite par un jeune homme proche des néonazis.

Au cours d’une conférence de presse tenue à la Trump Tower, mardi 15 août, à New York, Donald Trump a affirmé qu’il y avait « des torts des deux côtés » et a de nouveau renvoyé dos à dos les membres de la droite suprémaciste et les militants de gauche :

« J’ai regardé de très près, de beaucoup plus près que la plupart des gens. Vous aviez un groupe d’un côté qui était agressif. Et vous aviez un groupe de l’autre côté qui était aussi très violent. Personne ne veut le dire. (…) Que dire de l’alt-left qui a attaqué l’alt-right [abréviation d’“alternative right”– droite alternative] comme vous dites ? N’ont-ils pas une part de responsabilité ? »

M. Trump avait pourtant adopté un ton plus consensuel la veille, en dénonçant les « violences racistes » survenues à Charlottesville. « Le racisme, c’est le mal, déclarait-il depuis la Maison Blanche. Et ceux qui provoquent la violence en son nom sont des criminels et des voyous, y compris le KKK [Ku Klux Klan], les néonazis, les suprémacistes blancs et d’autres groupes haineux qui sont répugnants face à tout ce qui nous est cher en tant qu’Américains. »

« Un moment déterminant »

Ce revirement face au rôle de l’extrême à Charlottesville, opéré par Donald Trump lors de sa conférence à la Trump Tower, a été jugé surréaliste par de nombreux journalistes américains.

Le ton est sévère du côté du Washington Post, selon qui Donald Trump « a supprimé tout doute : sa réaction initiale, mettant les nazis et ceux qui les contestent sur une base morale égale, est ce qu’il ressent vraiment ».

« Quand un suprémaciste blanc est accusé d’avoir conduit sa voiture dans une foule de manifestants, en en tuant un et en en blessant 19, les Américains de bonne volonté pleurent et réclament justice. Lorsque cela se fait dans le contexte d’un rassemblement où les symboles nazis sont déployés, des slogans racistes et antisémites lancés, la seule réaction moralement justifiable est le dégoût. Lorsque le leader de la Nation ne comprend pas cela, la Nation ne peut que pleurer. (…) Cette voiture à Charlottesville n’a pas tué ou blessé les 20 corps qu’il a frappés. Il a endommagé la Nation. M. Trump a non seulement échoué à aider le pays à guérir ; il a contribué à rendre la plaie plus large et plus profonde. »

Pour le journaliste de CNN qui suit la Maison Blanche, Stephen Collinson, M. Trump a de nouveau montré « son vrai visage », et tenu « la conférence de presse la plus mémorable de l’histoire présidentielle [américaine], qui deviendra certainement un moment déterminant de son mandat ».

« L’impression générale de la performance de Trump était un président hors de contrôle, enfermé dans ses caprices et ses instincts et qui défie toute tentative de le gérer », poursuit le journaliste, qui évoque « un comportement politiquement autodestructeur ».

Le président états-unien, Donald Trump, mardi 15 août, à la Trump Tower, à New York. / DREW ANGERER / AFP

De son côté, le New York Times, dans son dernier éditorial, dénonce l’indignation sélective du président américain. « Rapide et sans équivoque dans ses dénonciations de quiconque ose le critiquer, M. Trump a à maintes reprises retenu ses coups quand il s’agissait de nationalistes blancs, d’activistes de l’alt-rigtht et de racistes », déplore le quotidien américain, qui compare la situation avec les réactions d’anciens présidents républicains :

« Le président Trump a soutenu le mouvement nationaliste blanc mardi comme aucun président ne l’a fait depuis des générations. Les présidents Ronald Reagan, George Bush et George W. Bush ont condamné à plusieurs reprises les suprémacistes blancs. »

« Rendu malade »

Dans son éditorial, le Dailynews reprend le slogan de campagne de M. Trump – « Make America Great Again » –, en le paraphrasant : « Make America Gray Again » (« Rendre l’Amérique à nouveau sombre »). Pour le quotidien américain, le président a « trahi les valeurs américaines » avec son discours.

Donald Trump était également la cible des « late show » aux Etats-Unis, mardi soir, après son discours. Seth Meyer, dans son émission sur NBC, a prévenu : « Si les choix des mots [par M. Trump] vous ont rendu malade, la bonne nouvelle est que vous êtes une personne normale et décente. »

Dans The Late Show, Stephen Colbert interroge Donald Trump sur le fait qu’il renvoie suprémacistes et militants antiracistes dos à dos : « La seule chose dont je doute est de savoir si vous serez encore président des Etats-Unis ce vendredi. Parce que, bon sang, de quoi parlez-vous ? »