Ouagadougou, le 15 août. Un membre des forces de sécurité, après l’attentat d’un café-restaurant du centre de la capitale du Burkina Faso qui a eu lieu le 13 août. / SIA KAMBOU / AFP

Editorial du « Monde ». Ils frappent chaque jour ou presque. Ils n’ont même plus besoin de revendiquer leurs actes : tout le monde sait immédiatement que derrière des visages juvéniles venus semer la mort se cachent les figures du djihadisme au Sahel. Le déploiement de 11 000 casques bleus au Mali, les éliminations ciblées menées par l’armée française, les opérations conjointes avec les militaires de la région, rien n’y fait. Au Mali, au Burkina Faso et dans l’ensemble du Sahel, les groupes islamistes armés font désormais peser une menace constante.

Dimanche 13 août, ce sont 18 clients et employés d’un café-restaurant du centre de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, qui sont tombés sous les rafales d’un duo de meurtriers. Le lendemain, au Mali, deux attaques contre la Mission des Nations unies (Minusma), l’une à Douentza, dans le Centre, l’autre à Tombouctou, dans le Nord-Ouest, ont fait neuf nouvelles victimes, dont un casque blanc.

Il y a quelques mois encore, la petite musique officielle que l’on pouvait entendre à Paris laissait espérer que le danger djihadiste au Sahel avait diminué grâce à l’action des soldats de l’opération « Barkhane » et que la menace des combattants salafistes sur la stabilité des Etats s’éloignait. On y a, depuis, mis une sourdine.

Plus de quatre ans après le début de l’intervention militaire française au Mali, qui s’est depuis muée en une opération sur l’ensemble de la région, force est de constater que ce pays suscite toujours autant d’inquiétudes. L’Etat peine à reprendre pied dans les bastions rebelles touareg du Nord, où les groupes politico-militaires, construits sur des identités communautaires, se mènent la guerre dans l’espoir de ne pas être les oubliés de la paix… Pour le plus grand bonheur des djihadistes, qui ont regagné de l’influence et étendu leur champ d’action au centre du pays, où les séides d’Amadou Koufa, un disciple d’Iyad Ag-Ghali, la figure de référence des islamistes armés au Mali, ont multiplié depuis début 2015 les opérations de guérilla.

L’embarras de Paris

Le Mali n’est toujours pas en paix avec lui-même, mais il est aussi devenu une menace pour les pays qui l’entourent. Qu’ils aient été revendiqués par Al-Qaida ou par l’organisation Etat islamique, le premier attentat dans la capitale du Burkina Faso, celui de Grand-Bassam en Côte d’ivoire ou les attaques dans l’ouest du Niger ont tous été préparés depuis le territoire malien voisin. Et, quand apparaît un nouveau groupe islamiste dans la région, comme au Burkina, celui-ci possède inévitablement des ramifications au Mali.

Dans ce contexte, l’opération « Barkhane » menace de s’enliser. Mais que faire ? Paris, qui ne peut retirer ses soldats, au risque d’abandonner ses alliés en pleine bataille et de voir fleurir des communiqués triomphateurs des groupes djihadistes, s’est fait le principal promoteur de la force du G5 Sahel, qui doit réunir 5 000 militaires fournis par la région (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad).

Les dirigeants des pays concernés conviennent qu’il est urgent de s’impliquer davantage, tout en demandant plus de moyens. Certains craignent cependant que cette orientation ne préfigure le désengagement de l’armée française. Emmanuel Macron s’est voulu rassurant sur ce point. Mais la réponse militaire s’est jusque-là montrée très insuffisante pour venir à bout de groupes qui recrutent en jouant sur des frustrations économiques ou communautaires auxquelles aucune solution n’est apportée. Dès lors, chacun redoute une guerre sans fin dans les sables du Sahel.