John Slosar, directeur général de Cathay Pacific, mercredi 16 août, à Hongkong. / Vincent Yu / AP

La montée en puissance des compagnies chinoises et les prix du kérosène étouffent Cathay Pacific. La compagnie hongkongaise a fait état, mercredi 16 août, de 2,05 milliards de dollars hongkongais (223 millions d’euros) de pertes au premier semestre. L’ancien fleuron des compagnies aériennes asiatiques, en grande difficulté, devrait donc enregistrer deux années d’affilée de pertes pour la première fois de son histoire, malgré 600 licenciements cette année.

Si la plupart des analystes prévoyaient des pertes deux à trois fois moins importantes, ces mauvais résultats n’ont pas effrayé les investisseurs. Jeudi 17 août midi, le cours de Cathay à la Bourse de Hongkong progressait de 2,39 % alors même que le président de la compagnie a averti que l’entreprise n’était pas sortie d’affaire. « Nous ne prévoyons pas d’amélioration sensible des conditions d’activité au second semestre 2017 », a déclaré le directeur général de la compagnie, John Slosar, cité dans un communiqué, mercredi 16 août. « L’activité passagers en particulier continuera de souffrir de la forte concurrence des autres compagnies aériennes et nos résultats devraient être affectés négativement par la hausse des prix du kérosène et de nos positions de couverture du carburant. »

Cathay souffre en particulier de la montée en puissance des compagnies chinoises, qui multiplient les liaisons directes avec l’étranger, limitant les correspondances par Hongkong. Ces compagnies, plus « entrée de gamme » que Cathay, proposent des prix plus attrayants. Grâce à des partenariats renforcés avec des compagnies occidentales, les Chinois gagnent des parts de marché. En 2015, l’américain Delta Airlines a investi dans China Eastern. Cette année, c’est American Airlines Group Inc. qui a pris, à son tour, des parts chez China Southern.

Perte d’influence

Les difficultés de Cathay reflètent aussi le changement de statut de Hongkong : autrefois un centre financier incontournable, parce que seule porte d’entrée sur le marché chinois pour les entreprises étrangères, l’importance du territoire a reculé ces dernières années, notamment au profit de Shanghaï. Là où Cathay s’appuie sur la clientèle d’affaires, les compagnies chinoises ont bénéficié de l’explosion du tourisme en Chine. Depuis 2010, pendant que le nombre de Chinois voyageant à l’étranger a plus que doublé pour atteindre 122 millions, China Southern a conquis 38 millions de nouveaux passagers, contre seulement 7 millions pour Cathay.

Avec deux ans de pertes d’affilée, la compagnie est-elle en danger ? Non, répond sans hésiter Corrine Png, spécialiste de l’aviation en Asie, et directrice du cabinet de consulting Crucial Perspective. « Cathay est trop grosse pour mourir, car elle contribue à 50 % du trafic aérien de Hongkong. L’entreprise est endettée à un niveau similaire à celui des compagnies asiatiques. Elle peut aussi compter sur le soutien de ses actionnaires principaux, Swire Pacific et Air China, qui peuvent lui garantir des prêts si besoin. »

« Rachat stratégiquement important »

L’entreprise risque cependant de devoir à nouveau tailler dans ses coûts, alors qu’un plan d’économies est déjà en cours. Le 22 mai, Cathay Pacific avait annoncé la suppression de 600 postes parmi les 3 000 employés de son siège à Hongkong. Les indemnités de licenciement de 300 millions de dollars hongkongais font partie des surcoûts assumés par l’entreprise cette année, mais l’opération devrait alléger ses finances en 2018. L’entreprise devra pourtant faire encore plus : elle pourrait, par exemple, prendre des mesures pour se rapprocher des compagnies à plus bas coût, en ajoutant une rangée de sièges en classe économie.

D’après plusieurs analystes, le groupe devrait revenir dans le vert à partir du premier ou du second semestre 2018. En dernier recours, Cathay peut aussi compter sur son deuxième actionnaire, Air China, qui pourrait envisager un rachat. « Ce rachat me paraît probable et stratégiquement important, poursuit Corrine Png. Cela permettrait à Air China d’accélérer son expansion internationale et lui donnerait accès au marché du voyage de luxe. La compagnie deviendrait la première au monde pour le fret, et la deuxième pour les passagers derrière American Airlines. Cathay a moins de perspectives de développement et ses marges s’amenuisent, donc ce serait avantageux pour les deux parties. »