Il s’agit de la première ordonnance de réparation pour destruction de biens culturels. La Cour pénale internationale (CPI) a jugé jeudi 17 août que le djihadiste malien Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi était responsable de 2,7 millions d’euros de dégâts pour avoir fait détruire les mausolées de Tombouctou, dans le nord du Mali. La Cour a ordonné le versement de dédommagements aux victimes.

« La chambre ordonne des réparations individuelles, collectives et symboliques pour la communauté de Tombouctou, reconnaît que la destruction des bâtiments protégés a causé de la souffrance aux personnes à travers le Mali et la communauté internationale et estime M. Mahdi responsable pour les réparations à 2,7 millions d’euros », a déclaré le juge Raul Cano Pangalangan dans la lecture de son ordonnance.

Toutefois, si le djihadiste est incapable de payer le montant estimé des dégâts, la Cour « n’est pas d’accord avec le fait que l’indigence de M. Mahdi ait un impact sur l’ordonnance de réparation ». Elle encourage donc le Fonds au profit des victimes, organe indépendant financé par des contributions volontaires publiques et privées, à « compléter toute réparation individuelle ou collective » et à lever des fonds à cette fin.

Le Fonds devra présenter avant le 16 février un projet de plan de mise en œuvre des réparations.

Risque d’incitation

Ce jugement a « le potentiel d’apporter de l’espoir aux victimes de crimes similaires commis dans d’autres parties du monde », comme les destructions de Palmyre, en Syrie, et d’autres sites historiques en Irak par le groupe Etat Islamique, déclarait Alina Balta à l’Agence France-Presse, chercheuse en victimologie à l’université de Tilburg, dans le sud des Pays-Bas, avant que la CPI rende sa décision.

Toutefois, « si l’on fait d’un dédommagement financier un élément central (…), cela risque de créer – face à la pauvreté – une incitation pour les gens dans d’autres villes à attaquer des sites de patrimoine culturel », a souligné le Fonds au profit des victimes, organe indépendant financé par des contributions volontaires publiques et privées.

Dans un document remis récemment à la Cour qui siège à La Haye, le Fonds a d’ailleurs appelé les juges à la vigilance quant à une éventuelle publicité dans le cas d’une compensation financière.

Monument classé au Patrimoine mondial de l’Unesco

Le Touareg Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi était un membre d’Ansar Eddine, l’un des groupes djihadistes liés à Al-Qaida qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d’être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France.

Il avait été condamné en septembre à neuf ans de prison pour avoir « dirigé intentionnellement des attaques » contre la porte de la mosquée Sidi Yahia et contre neuf des mausolées de Tombouctou en 2012. Après avoir plaidé coupable à l’ouverture de son procès, il avait demandé pardon à son peuple pour avoir saccagé ces monuments classés au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.

La CPI a ordonné la publication en ligne de des excuses de M. Al-Faqi Al-Mahdi, ainsi que le versement de 1 euro symbolique à l’Etat malien et à la communauté internationale, pour la souffrance encourue.