Mehdi Karoubi, à Téhéran, en 2009. / Reuters

L’un des principaux dirigeants de l’opposition iranienne, en résidence surveillée depuis 2011, a été hospitalisé, jeudi 17 août au matin, après avoir entamé la veille une grève de la faim pour réclamer sa libération. Mehdi Karoubi, candidat malheureux à la présidentielle de 2009, avait été l’un des deux dirigeants, avec Mir Hossein Moussavi, du « mouvement vert », dont les protestations de rue contre la réélection de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad avaient été sévèrement réprimées.

La femme de M. Karoubi, Fatemeh, a précisé au site Internet Saham News, lié à sa famille, que son mari exigeait le départ des gardes postés dans leur appartement et le retrait de caméras de sécurité récemment installées. Dans le cas contraire, M. Karoubi demandait à être jugé dans un procès public. Il a été admis à l’hôpital Shahid Rajaei de Téhéran, en raison d’un effondrement de sa pression artérielle, selon Saham News. M. Karoubi, 79 ans, souffre d’une maladie du cœur et a déjà été hospitalisé durant son assignation à résidence.

Effacer les cicatrices

Cette grève de la faim met une pression nouvelle sur le président modéré, Hassan Rohani, qui avait promis, dès 2013, d’obtenir la libération de M. Karoubi, avant son élection à la présidence. En campagne pour sa réélection, le 19 mai, M. Rohani avait regretté son échec. Il indiquait alors ne pouvoir infléchir la position du Guide suprême, Ali Khamenei, qu’après avoir obtenu un vote franc et massif en sa faveur. Meeting après meeting, le candidat avait mobilisé des foules scandant les noms de MM. Karoubi et Moussavi, et exigeant leur libération. Tous deux avaient fait savoir qu’ils voteraient pour lui. M. Rohani a été élu avec plus de 57 % des voix.

Le président tâche cependant aujourd’hui d’effacer les cicatrices de cette rude campagne, en donnant des gages à ses alliés conservateurs, au Guide et aux instances non élues dominées par les conservateurs, notamment la justice et les forces armées, avec lesquelles les tensions se sont multipliées depuis sa réélection. Le propre frère de M. Rohani, Hossein Fereydoun, a été emprisonné puis relâché sous caution, en juillet, pour des accusations de corruption.

L’Etat n’a pas intérêt à ce que M. Karoubi demeure un « martyr » dans la mémoire de ses partisans

Cette semaine, M. Rohani présente un gouvernement à la tonalité politique largement inchangée au Parlement, qui doit valider sa composition. Cette équipe de technocrates expérimentés, âgés et modérés, ne compte aucune femme, contrairement à une promesse de campagne de M. Rohani. Ce recul a suscité la déception parmi ses soutiens libéraux. Dans le même temps, les ultraconservateurs constatent l’absence auprès du président d’une figure appartenant à leur camp.

Depuis quatre ans, M. Rohani a adopté une politique discrète en matière de libertés civiles : il a favorisé la création d’associations et d’initiatives d’action sociale apolitiques dans les provinces, et laissé émerger les réformateurs au niveau local. Ceux-ci ont emporté, durant les élections qui se sont tenues le 19 mai, les conseils municipaux des principales grandes villes du pays. La mairie de Téhéran est désormais promise à l’un d’eux.

Si les cicatrices de la « sédition » de 2009, selon le terme officiel, demeurent vives en Iran, certains analystes estiment que l’Etat n’a pas intérêt à ce que M. Karoubi, affaibli, finisse sa vie en résidence surveillée et demeure ainsi un « martyr » dans la mémoire de ses partisans. En mars, le fils aîné de M. Karoubi, Hossein, avait été condamné à six mois d’emprisonnement pour avoir rendu publique une lettre adressée par son père à M. Rohani, dans laquelle il demandait à être jugé.