Le siège de la BBC à Londres. / NEIL HALL / REUTERS

La justice iranienne a gelé les avoirs en Iran de 152 employés, ex-employés et contributeurs de la BBC en persan, a annoncé, mardi 15 août, le groupe britannique. Basée à Londres, la chaîne satellitaire et la radio de la BBC sont suivies par de nombreux Iraniens, malgré leur interdiction dans le pays. Elles revendiquent 13 millions de téléspectateurs et d’auditeurs (dans un pays de plus de 80 d’habitants), qui y trouvent un contrepoint à la télévision d’Etat.

Le gel a été ordonné en juillet, selon l’agence Reuters, par une cour de justice de la prison d’Evin, et ratifié par le vice-procureur général d’Iran en août. Ses motivations n’ont pas été rendues publiques. La BBC dit n’en avoir été informée que lorsqu’un proche de l’un de ses employés a tenté de vendre un bien en son nom. Les employés ne sont plus autorisés à vendre ou à acheter des « biens mobiliers ou immobiliers » en Iran, précise la chaîne.

Les employés de la BBC en persan, tous basés à l’étranger, dénoncent depuis des années une campagne d’intimidation dont ils font l’objet de la part des autorités. Il leur est difficile, voire impossible de se rendre en Iran. Selon l’antenne, certains ont vu leurs proches vivant en Iran convoqués et menacés, d’autres ont vu leurs comptes sur les réseaux sociaux piratés.

Téhéran accuse la BBC d’avoir encouragé les manifestations qui ont suivi la réélection de l’ancien président, Mahmoud Ahmadinejad, en 2009, réprimées par les autorités. La chaîne est régulièrement dénoncée comme un organe du renseignement britannique, destiné à encourager en Iran une « révolution de couleur ». Francesca Unsworth, la directrice du BBC World service, qui diffuse en 29 langues à travers le monde, a dénoncé une « attaque ciblée », et a demandé aux autorités iraniennes « d’autoriser tous les employés et anciens employés à bénéficier de leurs droits comme tout autre citoyen ».

« Agents déstabilisateurs »

Cette décision de justice a été rendue publique alors que le président iranien modéré, Hassan Rohani, réélu le 19 mai, s’efforce de réduire les tensions avec les institutions dominées par les conservateurs au sein de l’Etat, notamment la justice et les forces armées. Ses rivaux, violemment stigmatisés lors de la campagne électorale au ton très libéral menée par M. Rohani, lui ont promis une lutte pied à pied depuis ces instances non élues. Le propre frère du président, Hossein Fereydoun, accusé de « corruption », a ainsi été arrêté puis libéré sous caution en juillet.

M. Rohani a déçu sa base libérale, la semaine dernière, en échouant à inclure au moins une femme dans son nouveau gouvernement. Cette équipe, actuellement auditionnée par le Parlement, qui doit confirmer sa nomination, demeure largement inchangée : elle rassemble des technocrates expérimentés, âgé et modérés. Les ultraconservateurs constatent également l’absence auprès de M. Rohani d’une figure appartenant à leur camp.

La lutte menée par les services de renseignement et la justice contre des « agents déstabilisateurs », notamment au sein des médias et des ONG, a gêné la normalisation des relations de l’Iran avec l’étranger, prônée par M. Rohani. Ainsi, Nazanin Zaghari-Ratcliffe, une employée irano-britannique de la Fondation Thomson Reuters, qui émane de l’agence de presse britannique du même nom, demeure emprisonnée en Iran. Arrêtée alors qu’elle visitait ses proches avec sa fille, elle a été condamnée en septembre 2016 à cinq ans de prison pour avoir préparé une révolution de couleur dans le pays, selon la presse iranienne.