La tour Bretagne, en 2009, à Nantes. / FRANK PERRY / AFP

Même si leur direction les « invite », dans un courriel, à réintégrer leurs bureaux de la tour Bretagne à Nantes, les quelque 90 agents de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) des Pays de la Loire, service déconcentré du ministère du travail, n’ont pas vraiment le choix. Ils doivent s’y réinstaller, sinon ils ne seront pas rémunérés.

Mais ils ne sont pas rassurés. Selon des syndicats, « la quasi-totalité des agents », dont les inspecteurs du travail, exerçaient leur droit de retrait depuis la fin du mois de juin, en raison de la détection de fibres d’amiante dans l’air. Certes, des travaux ont eu lieu et se poursuivront la semaine prochaine. Mais l’intersyndicale CGT-SUD-FSU du travail et de l’emploi les juge insuffisants et estime, dans un communiqué publié le 11 août, que « le ministère du travail met en danger [leurs] collègues en ordonnant leur réintégration » dans ces locaux.

La Direccte occupe six étages sur les 32 que compte cette tour inaugurée en 1976, où travaillent 800 personnes. Tout le bâtiment est concerné par la présence d’amiante qui a été découverte notamment sur les volets de désenfumage, actionnés en cas d’incendie. Le danger provient de la dégradation de l’amiante qui, dès lors, libère les fibres mortelles. La présence de fibres a été détectée en mars 2017 sur quatre étages dont deux à des taux élevés.

La CFDT estime « avoir obtenu les garanties demandées »

En mai, « le conseil syndical de la copropriété a décidé de remplacer tous les volets, mais seulement en 2018 », déclare SUD. Dans l’immédiat, seuls certains services de la Direccte ont été relogés temporairement dans d’autres bâtiments. Les autres « se sont débrouillés comme ils pouvaient », précise un syndicaliste.

Pour la direction de la Direccte, rien ne s’oppose aujourd’hui au retour des agents dans la tour. Normalement, en cas de présence d’amiante dégradé, il y a nécessité de l’encapsuler ou de le retirer. Ce n’est pas la solution retenue. Les travaux ont consisté à réaliser un surfactage des volets, c’est-à-dire qu’ils ont été recouverts d’une sorte de vernis qui fixe les fibres d’amiante, pendant une durée d’un an. Selon la direction, rapporte l’intersyndicale, les mesures d’empoussièrement en fibres d’amiante faites après les travaux « permettent de s’assurer de l’absence de danger grave et imminent et garantissent une reprise du travail dans des conditions normales », peut-on lire dans l’e-mail destiné aux agents.

« Il faut vivre avec, nous n’avons pas le choix »

La CFDT estime « avoir obtenu les garanties demandées » sur l’efficacité du surfactage. Et l’assurance que, en cas de déclenchement intempestif des volets, ce qui s’est déjà produit, libérant des fibres, « le principe d’une évacuation des lieux demeurait ».

En cas d’incendie ou de déclenchement intempestif des volets, toutefois, l’intersyndicale pense que subsiste « un risque d’émission de fibres ». « Dans ce cas, on vérifiera le surfactage, a avancé Emmanuel Aubry, secrétaire général de la préfecture de Loire-Atlantique. Nous ne prendrons aucun risque. » Autres questions pour l’intersyndicale : « le surfactage ne va-t-il pas gêner l’ouverture des volets en cas d’incendie ? » « Les professionnels qui ont fait les travaux nous ont assuré que non », répond la préfecture. « Mais, dans les immeubles de grande hauteur, seuls les pompiers experts de la tour peuvent le dire », souligne SUD. « Si on faisait un contrôle dans une entreprise qui aurait agi de la sorte, on n’accepterait pas cette situation en tant qu’inspecteur », déclare l’un d’eux.

« Quand j’ai réintégré mon bureau, raconte-t-il, je me suis dit : le danger est amoindri, mais le risque amiante existe toujours. Il faut vivre avec, nous n’avons pas le choix. » Le retour dans les bureaux se fait, ajoute-t-il, « avec inquiétude, angoisse ». « On se sent pris au piège. »