David Benioff et D. B. Weiss, les créateurs de « Game of Thrones », ont pour projet la série « Confederate » – ici le 23 mars 2015. / ROBERT GALBRAITH / REUTERS

L’annonce avait déjà provoqué, en juillet, une levée de boucliers. Les deux créateurs de Game of Thrones, David Benioff et D. B. Weiss, avaient dévoilé leur prochain projet, Confederate. La série, dont la diffusion n’est pas prévue avant 2019 sur HBO, met en scène une réalité alternative. Dans celle-ci, les Etats confédérés du Sud ont bien fait sécession, et l’esclavage y est toujours légal. Aussitôt, de nombreuses voix ont dénoncé le projet, appelant à son annulation sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #NoConfederate.

Mais depuis le rassemblement de militants d’extrême droite à Charlottesvilles, samedi 12 août en Virginie, la polémique a redoublé de vigueur. Ce jour-là, une femme a été tuée par un automobiliste proche des néonazis qui a foncé dans une foule de contre-manifestants.

« Peut-on parler de réalité “alternative” ? »

« C’est notre histoire actuelle (…). Peut-on parler de réalité “alternative” quand on voit tous les jours des choses si douloureuses ? », a déclaré au Washington Post April Reign, l’Américaine à l’origine de la campagne #NoConfederate – elle avait aussi lancé en 2015 le mot-clé #OscarsSoWhite pour dénoncer le manque de diversité aux Oscars. « On n’a pas besoin d’une série sur la confédération quand on voit ça se jouer dans la vraie vie, sur Internet et à la télé, jour et nuit », écrit de son côté le magazine The Root, consacré aux Afro-Américains. Un point de vue partagé par l’écrivain et journaliste américain Ta-Nehisi Coates, qui écrivait au début du mois dans les colonnes de The Atlantic que « les Afro-Américains n’ont pas besoin de la science-fiction, ni d’aucune fiction, pour leur dire que “cette histoire nous concerne toujours”. On le voit directement devant notre porte. »

Le rassemblement de Charlottesville lui a donné raison, selon d’innombrables commentaires publiés sur les réseaux sociaux depuis samedi. Avec humour noir, beaucoup d’internautes ont comparé le synopsis de la série avec la réalité : celle de suprémacistes blancs défilant dans la rue avec des drapeaux confédérés, dans le but de protéger la statue du général confédéré Robert Lee, considéré comme un défenseur de l’esclavagisme.

HBO se défend

« Et si le Sud avait gagné la guerre civile ? », raille par exemple un internaute, en accompagnant son message d’une image montrant des militants d’extrême droite torche à la main à Charlottesville.

« HBO voit certainement là un gros potentiel de marchandising », ironise une autre, à propos d’une photo montrant un drapeau confédéré à une fenêtre.

Les réactions de Donald Trump après Charlottesville ont aussi donné lieu à de nombreux messages en lien avec Confederate. Le président américain a par exemple regretté, jeudi, le déboulonnement de statues de confédérés. « Le troisième épisode de Confederate a l’air pourri, il faudrait vraiment l’annuler dès maintenant », a répondu une internaute.

Devant l’ampleur de la polémique, HBO a défendu son projet dans les colonnes du New York Times : « HBO réussit depuis longtemps à produire des histoires intelligentes, et nous aborderons ce projet avec autant de réflexion que nous l’avons toujours fait pour nos programmes. Nous sommes conscients de la sensibilité de ce projet, et nous le développerons avec le respect qu’il mérite. Nos créateurs devraient se voir donner le temps de développer cette série, plutôt que d’affronter des préjugés. »