A Barcelone, le 17 août. / Manu Fernandez / AP

Editorial du « Monde ». Ces images sont, hélas, devenues tragiquement banales : des corps ensanglantés, des morts, des blessés, des passants hébétés ou paniqués, la noria des sauveteurs et des forces de police, la traque des assassins en direct sur les écrans de télévision…

Depuis les attentats de Paris en janvier et novembre 2015, la litanie de la terreur djihadiste est sans fin. Le métro et l’aéroport de Bruxelles en mars 2016, Nice le 14 juillet suivant et ce camion meurtrier qui fauche 86 vies sur la promenade des Anglais, Saint-Etienne-du-Rouvray et l’assassinat du père Hamel le 26 juillet 2016, le marché de Noël ravagé à Berlin le 19 décembre, l’attaque contre le Parlement britannique le 22 mars de cette année, une autre dans le centre de Stockholm le 7 avril, un policier tué sur les Champs-Elysées le 20 avril, un concert lourdement endeuillé à Manchester le 22 mai. Le macabre décompte n’est sans doute pas exhaustif, sans parler de l’attentat déjoué il y a un mois à Sydney, où des terroristes entendaient faire exploser un avion de ligne au nom de l’Etat islamique.

Des opérations coordonnées

Jeudi 17 août, c’est l’Espagne, à son tour, qui a été frappée. Dans l’après-midi, au cœur de Barcelone, une camionnette fonce dans la foule qui déambule sur les Ramblas et, selon le bilan encore provisoire, tue treize personnes et en blesse plus d’une centaine, dont de nombreux touristes européens. Dans la soirée, à Cambrils, à une centaine de kilomètres au sud de la capitale catalane, la police espagnole tue cinq terroristes présumés, armés, qui s’apprêtaient à poursuivre cette sinistre besogne. Et à démontrer que le terrorisme islamiste n’en est pas réduit à des attaques solitaires et, si l’on ose dire, artisanales, mais reste capable d’opérations coordonnées, comme contre le Bataclan à Paris ou à Bruxelles.

A nouveau, la stratégie de la haine entretenue par l’islam radical – qu’il s’appelle Etat islamique, Al-Qaida ou toute autre « franchise », comme dans la zone sahélienne –, choisit soigneusement ses cibles et les symboles qu’elle veut atteindre : des Occidentaux, des juifs, des chrétiens tués de la manière la plus spectaculaire et la plus sauvage possible, des hauts lieux de tourisme (Nice, Barcelone, Berlin) ou de fête et de concerts (Bataclan, Manchester). Dans l’espoir de traumatiser les populations et d’ébranler les gouvernements des pays occidentaux qui participent, d’une manière ou d’une autre, à la coalition internationale contre l’Etat islamique.

A nouveau, les réponses à cette violence obsidionale s’imposent : la cohésion sans faille des nations agressées, la détermination sans faille des Etats pour prévenir, combattre, neutraliser les réseaux djihadistes, la coordination toujours plus étroite entre les services de sécurité des pays de la coalition et, au premier rang, des Européens. Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, l’a résumé d’une formule : « Ils ne nous terroriseront pas. »

Mais chacun le sait aussi, l’attentat de Barcelone confirme que le risque reste constant et très élevé. Il démontre également que les sévères défaites enregistrées ces derniers mois par l’Etat islamique en Irak et en Syrie n’empêchent en rien – peut-être même au contraire – cette idéologie assassine de se décentraliser et de métastaser partout où elle le peut. C’est une guerre de longue haleine qui est engagée. Elle doit être assumée, quoi qu’il en coûte.