Cinq mois après les faits, les circonstances de l’assassinat de deux experts de l’ONU, la Suédo-Chilienne Zaïda Catalan et l’Américain Michael Sharp, en République démocratique du Congo (RDC), restent toujours « non élucidées ».

Le 12 mars 2017, les deux experts s’étaient rendus dans les provinces du Kasaï où plus de 3 000 personnes ont trouvé la mort dans des violences opposant les membres de la milice des Kamuina Nsapu aux autorités congolaises. Michael Sharp, enquêteur aguerri et spécialiste des groupes armés, et Zaïda Catalan, spécialiste des questions humanitaires et des violations des droits de l’homme, devaient rencontrer des représentants de cette milice locale pour documenter les charniers récemment découverts.

Les deux jeunes experts circulaient discrètement en moto, accompagnés de quatre Congolais : un traducteur et trois chauffeurs. A moins de 10 km de leur destination finale, la localité de Bunkonde, leur groupe subit des tirs. L’un des chauffeurs est blessé. Les deux experts seront tués quelques instants plus tard près du village de Moyo-Musuila dans des conditions particulièrement sordides. Mme Catalan, 36 ans, est décapitée. M. Sharp, 34 ans, est tué par balles. Les deux corps ont ensuite été enterrés avant d’être découverts le 27 mars.

Réprobation des ONG

Deux enquêtes nationales menées par les Etats-Unis et la Suède, ainsi qu’une enquête administrative de l’ONU, ont été lancées après ce double meurtre. Mais, faute de résultats concluants, la France, la Suède, les Etats-Unis et le Japon ont réclamé, jeudi 17 août, au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, d’ordonner une enquête internationale indépendante.

M. Guterres avait fait parvenir deux jours plus tôt aux membres du Conseil de sécurité les conclusions de l’enquête administrative menée par l’ONU. Les enquêteurs estiment « très probable » que la milice locale des Kamuina Nsapu soit responsable des deux meurtres, mais précisent que « l’absence de preuves n’empêche pas la possibilité que d’autres personnes soient impliquées ». Un autre rapport, rédigé par le groupe des experts auquel appartenaient M. Sharp et Mme Catalan et datant du mois de juin, avait au contraire pointé la responsabilité « d’un groupe hétéroclite d’individus » qui pourrait impliquer des forces de sécurité congolaises.

Devant les journalistes, mercredi, M. Guterres a pourtant partagé son intention d’associer les autorités congolaises à un « mécanisme de suivi de l’enquête », soulevant la réprobation des ONG. Kinshasa a jusqu’à présent arrêté neuf suspects, mais les diplomates doutent de la crédibilité de l’enquête congolaise. La RDC, par la voix de son ministre des affaires étrangères qui avait fait le déplacement à New York, a ainsi rejeté l’idée d’une enquête indépendante internationale, assurant de « la totale coopération des autorités congolaises » sur l’enquête.

Bandeau rouge

Le double assassinat avait été filmé avec un téléphone portable et la vidéo a été présentée à la presse par les autorités congolaises. On y voit une dizaine d’individus portant un bandeau rouge sur la tête, comme les miliciens Kamuina Nsapu. Mais d’anciens experts proches de Michael Sharp et de Zaïda Catalan ont rapidement mis en doute la version officielle. L’analyse de la vidéo montre que la plupart des hommes mélangent le tshiluba, le français et le lingala, des langues méprisées par la milice des Kamuina Nsapu.

Avant ce 12 mars tragique, aucun expert onusien n’avait jamais été assassiné. Leur meurtre constitue « une attaque contre le Conseil de sécurité et, par conséquent, une violation grave du droit international humanitaire », note le groupe des experts. Mais M. Guterres se montre étonnamment prudent, dans un contexte de tension accrue entre Kinshasa et l’ONU pour la tenue des élections avant la fin de l’année.

Les parents de M. Sharp et de Mme Catalan, qui avaient été conviés jeudi à la réunion du Conseil de sécurité consacrée à la RDC, sont repartis avec plus de questions que de réponses et avec l’assurance que le chemin vers la justice sera encore long.