Une opération d’évacuation de campements de migrants, installés depuis plusieurs semaines porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, le vendredi 18 août. Il s’agit de la 35e en deux ans dans la capitale, ont affirmé les préfectures de police de Paris et d’Ile-de-France dans un communiqué. / Diane Grimonet pour Le Monde

Bénévole et responsable pour le collectif Solidarité migrants Wilson dans le camp de porte de la Chapelle et du centre Août Secours Alimentaire de Notre-Dame de Clignancourt, Anne-Marie Bredin était présente vendredi 18 août à la Chapelle, dans le nord de Paris, lors du démantèlement des campements de migrants par les forces de l’ordre.

Il s’agissait de la 35évacuation en deux ans dans ce quartier, où a été implanté le centre humanitaire pour les migrants arrivant à Paris. Les 2 459 personnes sorties des campements ont été réparties dans vingt centres d’accueil d’urgence, notamment un gymnase du 15e arrondissement.

Anne-Marie Bredin a répondu aux questions du Monde pour analyser la situation :

Ce vendredi 18 août, 2 459 personnes ont été évacuées alors que la dernière opération sur le même site date du 7 juillet. Est-ce que ces évacuations à répétition ont un intérêt ?

Non, je trouve qu’il n’y a aucun intérêt à faire ce genre d’opération coup de poing. On a l’impression que la ville de Paris ne veut pas voir ces migrants qui arrivent tous les jours, que c’est seulement lorsque cela devient dramatique qu’il faut les mettre à l’abri.

Ces hébergements d’urgence ne durent qu’un temps, les migrants ressortent peu de temps après et reviennent à porte de la Chapelle. Les placer dans ces centres permet de vérifier leurs motivations et leurs papiers pour faire un tri. Il y en a qui finissent dans les centres d’accueil et d’autres qui sont écartés, mais la question, c’est de savoir s’ils sont aussi expulsés du pays. Les associations comme Solidarité migrants Wilson ne connaissent pas leur devenir.

Nous nous demandons aussi si les distributions de nourriture sont toujours systématiques dans ces centres d’accueil car, lors de la dernière évacuation, des migrants étaient revenus dès le lendemain pour se nourrir. L’alimentation et le logement ne sont pas suffisants, il faut un accompagnement administratif.

Quel est le sentiment des associations face à ces opérations ?

Il y a beaucoup d’énergie et d’argent dépensés dans ces opérations d’évacuation. Beaucoup de personnes doivent être mobilisées, notamment les forces de l’ordre : aujourd’hui, ils étaient plus de 300. En tant que collectif, on se pose forcément des questions sur la gestion de cet argent et la manière dont ces dépenses pourraient être plus utiles. J’ai l’impression qu’on tourne en rond.

Je peux vous donner rendez-vous porte de la Chapelle le 20 septembre pour une nouvelle évacuation. Rien qu’en fin de matinée nous avons accueilli de nouvelles personnes qui arrivaient pour s’installer dans le camp. Nous avons servi 40 petits déjeuners et, demain, ce sera le double et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on atteigne le nombre fatidique de 1 000 personnes dans le camp et que la ville crie au scandale. C’est vraiment frustrant. Il faut maintenant penser à des solutions sur le long terme.

Vous qui êtes sur le terrain, à quelles solutions pensez-vous ?

Tout simplement construire plus de centres, pas forcément avec des matériaux nobles, mais de quoi loger correctement ces personnes qui arrivent tous les jours. Il faut de l’information, des traducteurs mais aussi un minimum d’hygiène pour qu’ils puissent au moins se laver les mains ou aller aux toilettes, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est la seule solution pour le moment, autrement, c’est un débat beaucoup plus vaste sur la gestion des flux migratoires. Mais une fois qu’on a une personne en face de nous qui nous implore pour un verre d’eau, on ne peut pas fermer les yeux.

Etes-vous inquiète à propos de l’avenir du campement de porte de la Chapelle ?

Je suis surtout inquiète pour les migrants qui doivent partir. J’ai peur qu’ils soient renvoyés de force chez eux. Même si ce ne sont pas des amis de longue date, on les côtoie tous les jours, on connaît leurs histoires. Il est aussi possible que les points d’eau installés à la Chapelle par la mairie à la demande des associations soient coupés. C’était le cas lors de la dernière évacuation en juillet et cela empêchait les nouveaux arrivants de pouvoir se laver. C’est un éternel recommencement à porte de la Chapelle et c’est le fait de savoir ça qui nous affole. On se demande à quoi toutes ces évacuations riment.