Les conseillers de Donald Trump, Stephen Bannon et Jared Kushner, derrière le président américain, en juin 2017. / Kevin Lamarque / REUTERS

Au Saturday Night Live, la célèbre émission satirique de NBC, Stephen Bannon était caricaturé comme la « grande faucheuse », assise derrière le « bureau des résolutions », chuchotant à l’oreille d’un Donald Trump relégué à un modeste pupitre d’écolier. Celui qui était présenté comme « le cerveau reptilien de la présidence Trump, le jeteur de bombe de la frange d’extrême droite dont la rage et l’intolérance étaient reprises à son compte par le président » a quitté la Maison Blanche, salue, vendredi 18 août, le New York Times.

Pour le quotidien, comme pour l’immense majorité de la presse américaine, la nouvelle est « un soulagement ». La nomination de ce conseiller pour le moins controversé était un « cauchemar devenu réalité », rappelle lapidairement le journal. Mais « son départ est un nouveau niveau de chaos dans une administration régie par le chaos », souligne amèrement le New York Times dans un de ses éditoriaux.

Car la question revient partout, lancinante : quel chemin va emprunter la Maison Blanche après le départ de celui qui fut « l’architecte de certains des textes les plus toxiques de Donald Trump » ? Pour l’un des chroniqueurs du Washington Post, « face à un président dont l’idéologie frôle le nihilisme », Bannon avait « au moins le mérite de remplir les espaces laissés libres par un homme sans conviction ».

Quel socle idéologique ?

Certes, les soutiens du président « salueront une décision qui va dans le sens d’une administration plus ordonnée et plus prévisible », note le Post. Mais le chroniqueur y voit « tout autant une nouvelle décision fantasque d’un dirigeant qui ne sait pas ce en quoi il croit et n’était pas à l’aise avec un collaborateur qui avait osé imaginer que sa présidence pouvait au moins avoir un but précis ».

Interrogé par Politico, l’ancien chargé des relations de presse de la campagne d’Hillary Clinton, Brian Fallon, estime ainsi que « le départ de Bannon pourrait couper les attaches idéologiques de Donald Trump et donner le signal d’une rupture complète avec sa doctrine “L’Amérique d’abord” » défendue pendant sa campagne.

Avec Stephen Bannon parti, « que va-t-il rester du trumpisme, ce concept qui n’a jamais vraiment été défini », s’interroge à l’unisson The Atlantic ? Et le journal de rappeler qu’avec la vague de départs autour du président, « peu de membres de l’équipe de Trump ont désormais un bagage important en termes d’expérience ou d’idéologie ».

Certains médias avancent que des conseillers adeptes d’une ligne plus modérée – notamment sa fille, Ivanka Trump, et son gendre, Jared Kushner, – pourraient gagner en influence après le départ de Stephen Bannon. Mais cette réorientation idéologique contentera-t-elle la base de l’électorat trumpiste ? « Bannon était peut-être devenu beaucoup trop controversé, mais au moins il n’était pas démocrate », rétorque ainsi une source à la Maison Blanche à Politico.

D’autres médias, à l’image de The Atlantic, rappellent toutefois que « Trump a flirté avec le racisme depuis des décennies », et que Bannon « était un petit nouveau » par rapport au président. Avec ses récentes sorties plutôt complaisantes envers les militants d’extrême droite de Charlottesville, Donald Trump a montré que « les politiques prônant l’identité blanche sont probablement la seule position solide tenue par le président ».

Bannon l’incontrôlable

« L’influence de Bannon était réelle, mais pas décisive », rappelle dans un même constat Politico. « Je suis mon propre stratège », avait affirmé en avril Donald Trump dans une interview au New York Post. « Les analyses autour de Donald Trump tendent à se concentrer sur qui l’influence dans son entourage, mais le principal élément, c’est bien que le président reste le même », conclut The Atlantic.

Reste encore à déterminer quel rôle Stephen Bannon occupera à l’avenir. En reprenant ses fonctions au sein de Breitbart News, nul doute qu’il sera « libre de lancer ses forces contre tous ceux qui ne dévieront de sa ligne patriotique et protectionniste », rappelle le New York Times. Si le quotidien américain juge qu’il serait « un juste retour des choses » que « l’aile droitière menée par Bannon se retourne contre Donald Trump », sa position privilégiée « constitue toujours un danger pour notre politique ».

Un danger que le New York Magazine retranscrit en empruntant une citation utilisée par Lyndon Johnson en évoquant l’ancien directeur du FBI, J. Edgar Hoover : « C’est probablement mieux de l’avoir à l’intérieur en train de pisser hors de la tente, que de l’avoir à l’extérieur pissant sur la tente. » « Stephen Bannon posait problème quand il était à la Maison Blanche. Il pourrait avoir un poids plus important en la quittant », résume le Washington Post. Si Donald Trump n’arrive pas à « négocier une rupture à l’amiable » avec son ancien conseiller, « un Bannon amer pourrait répandre le désenchantement parmi les militants de Trump » et « pourrait devenir un gros problème pour le président ».

« Steve est maintenant libéré », confiait ainsi une source proche de Bannon à The Atlantic, « complètement libéré ». « Il peut sortir l’arme nucléaire, vous n’avez pas idée. Ça peut tourner mal, vraiment mal », confiait un autre ami de l’ancien conseiller.