Les bouteilles de gaz retrouvées à Alcanar, en Espagne, le 18 août 2017. / JOSE JORDAN / AFP

Les djihadistes de Catalogne préparaient depuis des mois un ou plusieurs attentats de grande envergure a confirmé, vendredi 18 août, la police catalane. L’enquête a révélé l’existence d’une cellule de douze personnes qui aurait improvisé les attaques des Ramblas, jeudi 17 août à Barcelone, et de la ville côtière de Cambrils, dans la nuit de jeudi à vendredi, après l’explosion accidentelle, la veille à Alcanar, de la maison dans laquelle étaient confectionnés des engins explosifs.

Le bilan des attentats a été revu à la hausse après le décès d’une femme blessée à Cambrils. Au total, 14 personnes ont trouvé la mort dans ces deux attaques et 128 ont été blessées, 65 se trouvant toujours à l’hôpital. Le Quai d’Orsay a dénombré 28 blessés français : huit d’entre eux sont dans un état grave, dont quatre enfants.

Des douze terroristes présumés, quatre ont été interpellés, cinq ont été abattus à Cambrils, et deux seraient morts dans l’explosion d’une maison située à Alcanar, dans le sud de la Catalogne dans la nuit du mercredi. Un autre serait toujours en fuite. Les autorités ne connaissaient toujours pas l’identité du conducteur de la camionnette, qui a foncé sur la foule se promenant sur l’avenue emblématique de la capitale catalane.

Ne pouvant plus perpétrer des attentats « de l’amplitude espérée », les djihadistes ont décidé de commettre une double attaque « plus rudimentaire, dans le sillage des autres attentats perpétrés dans les villes européennes », a expliqué le chef de la police catalane

L’explosion d’Alcanar, d’abord attribuée à une fuite de gaz, et qui a fait un mort et sept blessés, aurait tout déclenché. C’est là que « les auteurs préparaient depuis quelque temps les attentats de Barcelone », a confirmé le chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero. La maison avait été squattée depuis des mois, ont raconté les voisins.

Dans les décombres, les enquêteurs ont trouvé vendredi « des restes biologiques » qui pourraient appartenir à un deuxième cadavre, a annoncé la police catalane sur son compte Twitter, et au moins 105 bouteilles de gaz. Selon une source proche de l’enquête jointe par Le Monde, des traces de TATP, un explosif artisanal particulièrement prisé des djihadistes, ont été retrouvées sur place. Il a été utilisé dans les attentats de Bruxelles et de Paris.

Ne pouvant plus perpétrer des attentats « de l’amplitude espérée », les djihadistes ont alors décidé de commettre une double attaque « plus rudimentaire, dans le sillage des autres attentats perpétrés dans les villes européennes », d’abord à Barcelone, puis à Cambrils, a expliqué Josep Lluis Trapero. « Ce n’était pas du tout ce qu’ils avaient prévu », a ajouté le responsable de la police, précisant que les attaques improvisées avaient peut-être remplacé des attentats « de plus grande envergure ».

Fausses ceintures d’explosifs

C’est à Cambrils que cinq des terroristes présumés, porteurs de fausses ceintures d’explosifs, d’une hache et de couteaux, ont été abattus. Les fausses ceintures devaient leur permettre de gagner du temps face aux policiers, ont expliqué les forces de sécurité. La police a diffusé l’identité de trois d’entre eux, des jeunes Marocains qui vivaient à Ripoll, dans le nord de la Catalogne : Moussa Oukabir, 17 ans, Saïd Aallaa, 18 ans, et Mohamed Hychami, 24 ans.

Quatre autres djihadistes ont été interpellés : un Espagnol de l’enclave de Melilla, blessé lors de l’explosion d’Alcanar, ainsi que trois Marocains de Ripoll, Driss Oukabir Soprano, 28 ans, frère aîné de Moussa Oukabir et dont les papiers auraient servi à louer les deux véhicules utilisés dans les attentats. La police n’a pas dévoilé l’identité des deux autres détenus arrêtés vendredi. L’un d’entre eux, selon les déclarations de sa femme à la télévision espagnole, est Salah El Karib, 34 ans, propriétaire d’un cybercafé à Ripoll.

Trois autres personnes ont été identifiées, sans qu’on sache si les deux cadavres retrouvés à Alcanar en font partie. Par ailleurs, un autre ressortissant marocain de Ripoll qui a réussi à s’échapper, Younes Abouyaaqoub, 22 ans, né à M’rirt, au Maroc, est activement recherché par la police qui a diffusé son identité.

« Complexité »

« Barcelone et la Catalogne occupent une place importante dans l’évolution du djihadisme en Espagne », explique au Monde Fernando Reinares, directeur du programme sur le terrorisme global du think tank espagnol Real Instituto Elcano. « Entre 2013 et 2016, un quart des suspects de terrorisme ont été arrêtés dans la province de Barcelone », précise-t-il.

C’est en Catalogne, près de Cambrils, que « Mohamed Atta, le chef du commando du 11-Septembre a rencontré le Yéménite Ramzi Binalshibh, son contact avec les leaders d’Al-Qaida, deux mois avant les attentats, pour finaliser les détails de l’opération », ajoute M. Reinares. C’est également en Catalogne qu’« en 2003 ont été découverts, lors du démantèlement d’une cellule djihadiste, des portables semblables à ceux qui allaient être utilités [un an plus tard] dans les attentats de Madrid ».

Les autorités catalanes auraient-elles mis trop de temps à reconnaître la gravité du phénomène ? « En Catalogne, certains secteurs de la population comprennent la menace du terrorisme djihadiste, affirme le chercheur, mais d’autres, obsédés par leur quête d’identité, ne veulent pas voir qu’il s’agit d’un problème sécuritaire. » Quant à savoir si la cellule des douze djihadistes a agi seule ou fait partie d’un réseau encore plus vaste, « vu le nombre de personnes impliquées et la relative complexité des attentats, on ne peut exclure qu’il puisse y avoir un lien significatif entre les suspects et des responsables de l’Etat Islamique ».

A Barcelone, les habitants se recueillent après l’attentat