Trois scènes, dont deux sous chapiteau ouvert, sont installées sur le site du Motocultor festival. / Guillaume Piraud

Il n’y a pas que le Hellfest dans la vie d’un fan de heavy metal normalement constitué ; il y a aussi le Motocultor festival. Une grande pleine herbeuse, trois scènes, 66 groupes en trois jours, 18 000 spectateurs attendus, 700 bénévoles, 20 000 litres de bière… C’est, selon les évaluations, entre trois et huit fois moins que le célèbre raout de musiques extrêmes situé à Clisson (Loire-Atlantique), mais c’est précisément ce qui en fait le « charme », si l’on peut dire. Ses habitués parlent d’un festival « à taille humaine », plus « convivial », presque familial. Sa dixième édition se déroule jusqu’à dimanche à Saint-Nolff (Morbihan) dans un déluge de décibels qui doit enchanter les riverains les plus proches. Tympans sensibles, s’abstenir.

Comme son nom ne l’indique pas, le Motocultor festival n’est pas une réunion de jeunes agriculteurs bretons ayant appris à labourer avec Motörhead en toile de fond dans la cabine du tracteur. Son origine n’en demeure pas moins cocasse : avant d’être donnée à un festival, l’appellation fut celle d’un groupe de metal de l’ouest de la France principalement composé d’étudiants. Son répertoire consistait à l’interprétation, façon hard-rock, de tubes disco (In the Navy de Village People, Hot Stuff de Donna Summer) et de génériques de dessins animés (Les Tortues Ninja, Denver le dernier dinosaure…), ainsi que quelques standards bien connus des amateurs de Metallica et de Sepultura.

Le groupe tchèque Malignant Tumour. / Guillaume Piraud

Quand l’un de ses membres, Yann Le Baraillec, organisateur de concerts dans des petites salles et des bars de Bretagne, s’est lancé dans la création d’un festival, le titre de Motocultor s’est imposé de lui-même. « Le nom amusait beaucoup. Il nous a valu de figurer en tête d’affiche de plusieurs concerts, alors même que nous débutions », raconte-t-il.

La première édition du Motocultor festival se déroulera dans la salle de sports de Saint-Avé (Morbihan) en 2007. L’événement prendra rapidement de l’ampleur, changera plusieurs fois de sites avant de se fixer à Saint-Nolff, petite commune de 3 600 habitants qui posséda longtemps son propre festival de rock et chanson - Noir Désir, Renaud, Iggy & The Stooges, Olivia Ruiz, Muse, Garbage, Portishead s’y produisirent – jusqu’à ce que celui-ci dépose son bilan, en 2011.

Les Suédois de Zornheym. / RPlace Photographie

Y succéder fut un chemin de croix. Yann Le Baraillec dut prendre son bâton de pèlerin pour convaincre les élus et rassurer la population. Implanter un festival de musique actuelle à proximité d’une zone d’habitation n’est jamais simple ; ça l’est encore moins quand il s’agit de heavy metal. Heureusement, le Hellfest – situé à 150 km de là – a essuyé les plâtres : « Le fait que ça se passe bien chez eux, qui plus est à plus grande échelle, nous a aidé à installer la confiance ici localement », reconnaît le patron fondateur du Motocultor festival.

Les nuisances sonores n’en demeurent pas moins importantes. Mais elles sont les seules, minimise Yann Le Baraillec : « Les riverains ont gardé un mauvais souvenir du précédent festival : une partie du public ne venait que pour picoler et passait plus de temps à traîner au camping qu’aux concerts. Au Motocultor, notre public est composé de connaisseurs et de passionnés qui sont là avant tout pour écouter de la musique. » Dans toute sa diversité, n’en déplaisent aux oreilles des non-initiées.

18 000 spectateurs sont attendus jusqu’à dimanche. / RPlace Photographie

Comme au Hellfest, les nombreux sous-genres et genres dérivés qui composent la grande famille du heavy metal sont ainsi représentés à Saint-Nolff : trash, death metal, black metal, hardcore, stoner, grunge, punk, post-punk… Dans une volonté d’ouverture revendiquée par les organisateurs, deux ou trois groupes situés aux antipodes musicalement – chanson, musique celte, rap, techno… - se glissent également chaque année au milieu d’une programmation dense où ne figurent que très peu de formations connues du grand public. Les têtes d’affiche, cet été, s’appellent Kreator, Opeth, Bloodbath, Paradise Lost et Devin Townsend Project. Les esthètes apprécieront.

Le Motocultor n’a évidemment pas les mêmes moyens que le Hellfest. Son budget de fonctionnement – 1 million d’euros – est vingt fois inférieur à celui du grand frère de Loire-Atlantique. L’association support traîne par ailleurs comme un boulet, depuis 2011, une dette importante qui l’empêche de se développer. Peu s’en fallut pour que l’édition 2017 ne soit d’ailleurs annulée. Le festival dut se résoudre à lancer un appel à don sur une plate-forme de crowdfunding. La campagne rapporta 66 000 euros ; 830 contributeurs y participèrent : des festivaliers pour la grande majorité, mais aussi des élus locaux à titre privé (le maire, le député…).

Le groupe Toter Fisch, originaire de Tours. / Guillaume Piraud

Parce qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre, le Motocultor envisage désormais de démarcher des partenaires privés pour étoffer ses revenus. Une vingtaine d’entrepreneurs locaux ont assisté aux concerts, samedi 19 août. La banque, elle, vient d’accepter de nouvelles facilités de paiement (son patron est fan de metal). « J’ai l’impression qu’on voit le bout du tunnel et que nous allons enfin nous retrouver dans la situation normale d’un festival, soupire Yann Le Baraillec. En même temps, je n’en suis pas si sûr. »

Motocultor festival, jusqu’au dimanche 20 août.