Des partisans du groupe d’extrême droite La Meute, à Québec, le 20 août 2017. / STRINGER / REUTERS

La crainte d’une répétition des violences de Charlottesville aux Etats-Unis, survenues le 12 août, était dans les esprits, dimanche 20 août, à Québec, alors que des organisations d’extrême droite avaient appelé à manifester, suscitant une contre-mobilisation de militants de gauche. Les groupes d’extrême droite La Meute – dont certains membres auraient participé aux manifestations suprémacistes de Charlottesville – et Atalante – très actif dans les réseaux de la droite radicale et qui a déroulé, la semaine dernière au-dessus d’autoroutes à Québec, des banderoles appelant à l’expulsion d’immigrés – avaient appelé à manifester, dimanche en centre-ville, contre « le fléau de l’immigration illégale » au Québec.

La récente vague d’immigration irrégulière à la frontière québécoise de 6 000 Haïtiens venant des Etats-Unis et craignant les politiques de Donald Trump en matière d’immigration, a exacerbé les tensions au Canada. Depuis le début de l’année, plusieurs mouvements québécois d’extrême droite ou se réclamant d’un discours ultranationaliste tentent d’occuper l’espace public, sur les réseaux sociaux et dans la rue. Après avoir apposé, la semaine dernière à Québec, des affiches avec le hashtag #Remigration, Atalante a expliqué sur Facebook que l’accueil de milliers d’immigrants constituait une menace pour l’identité québécoise et a appelé à une inversion du flux migratoire.

La Meute, qui refuse l’étiquette d’extrême droite et affirme être un groupe « pacifique », tient le même discours xénophobe, estimant que l’intégration des immigrants mène à « la destruction de la société d’accueil ». Ce groupe revendique 55 000 membres au Québec mais Maxime Fiset, consultant au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, estime ce chiffre très largement surévalué.

Un écho sur la scène politique

L’extrême droite, dont il a lui-même fait un temps partie comme fondateur de la Fédération des Québécois de souche, reste, selon lui, marginale avec seulement quelques centaines de membres : « C’est une galaxie de groupuscules qui se montrent de plus en plus sur la place publique. » Le parti Citoyens au pouvoir flirte ouvertement avec les idées de La Meute, tandis que la Fédération des Québécois de souche ne cache pas ses sympathies pour Marine Le Pen et Donald Trump.

Leur discours trouve un écho sur la scène politique. A Québec, où des élections provinciales auront lieu l’an prochain, la droite radicale se mobilise déjà pour tenter sa chance, tandis qu’à Ottawa, la presse relevait récemment que le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu figure parmi les membres des groupes Facebook de La Meute et des « Amis patriotes de Marine Le Pen ».

Dimanche, les 400 à 500 partisans de La Meute ont été confinés tout l’après-midi dans le parking souterrain d’un immeuble de bureaux, à l’arrière du Parlement. Les contre-manifestants avaient en effet bloqué les sorties, contraignant la police à conseiller aux organisateurs de la manifestation d’extrême droite de rester à l’intérieur. Elle craignait des débordements après des échauffourées avec une poignée de manifestants masqués utilisant pétards et bouteilles, la police répliquant avec des gaz lacrymogènes.

« Nous ne pouvons pas rester les bras croisés »

A une porte du parking, l’équipe de sécurité de La Meute faisait barrage. Un homme ironise : « Ils nous empêchent de manifester : c’est ça, la démocratie ? » Peu après, Stéphane Roch, un dirigeant de La Meute, s’adressait aux journalistes : « Nous sommes un regroupement citoyen très pacifique. Tout ce que nous voulons, c’est manifester contre les politiques d’immigration du premier ministre canadien, Justin Trudeau, et de son homologue québécois, Philippe Couillard. »

La manifestation du Rassemblement populaire contre la discrimination, elle, a rassemblé environ 800 personnes, souvent vêtues de tee-shirts barrés du slogan « Bienvenue aux réfugiés », et des représentants d’ONG comme Amnesty International. « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés face à la montée des discours et des actes haineux, racistes et xénophobes », soulignait Pablo Roy Rojas, l’un des organisateurs. Depuis l’attentat de janvier contre la mosquée de Québec commis par un étudiant ultranationaliste, qui avait causé la mort de six musulmans, les militants antiracistes se mobilisent pour faire barrage à l’extrême droite.

Vers 18 heures dimanche, la foule s’est finalement dispersée à l’arrière du Parlement et les membres de La Meute sont sortis du parking en agitant des drapeaux noirs ornés de pattes de loup. Ils ont défilé silencieusement dans la rue, pour protester contre le fait de ne pas avoir pu manifester.