Le président nigérian, Muhammadu Buhari, s’est déclaré « très heureux d’être de retour à la maison », lundi 21 août, lors d’un discours à la nation marquant son retour au Nigeria après avoir passé plus de trois mois à Londres afin de suivre un traitement médical pour une maladie qui n’a jamais été dévoilée au grand public.

Dans ce discours de six minutes prononcé dans la matinée, le président, élu il y a deux ans, apparaît toujours aussi frêle, mais en meilleure condition physique et plus cohérent qu’à son premier retour, en mars, après avoir passé deux mois dans la capitale britannique. Il avait alors confié n’avoir « jamais été aussi malade » et avait délaissé les responsabilités officielles, confiées au vice-président Yemi Osinbajo.

Le premier séjour médical au Royaume-Uni du président Buhari remonte à juin 2016 – un an après sa prise de fonction – et la présidence avait alors indiqué qu’il souffrait d’une infection de l’oreille persistante. Ses opposants avaient affirmé pendant la campagne électorale de 2015 qu’il souffrait d’un cancer de la prostate, mais il avait démenti.

L’absence d’indication officielle sur la nature de la maladie du président a entretenu les rumeurs dans un pays encore marqué par la mort du président Umaru Yar’Adua en 2010, après des mois de traitement médical secret à l’étranger.

« La sécurité est la priorité »

Pour Amaka Anku, analyste nigériane pour Eurasia Group, le « retour de Buhari n’aura pas un grand impact sur l’agenda politique du gouvernement, laissant les affaires courantes à son vice-président, Yemi Osinbajo, qui l’a remplacé pendant ses absences répétées au cours de l’année ». « La loyauté et la déférence d’Osinbajo à son égard […] va faciliter le retour du président dans le pays », poursuit Amaka Anku.

« La sécurité est la priorité », reconnaît l’économiste nigérian Bismark Rewane, pour Financial Derivatives Company. « Son retour va améliorer la crise politique et sécuritaire, et si cela est résolu, les investisseurs pourront commencer à revenir », note l’analyste financier.

M. Buhari, connu pour ses réponses fortes et son manque d’écoute pour résoudre les conflits, ne semble pas avoir flanché sur cette stratégie. « Nous n’allons pas seulement renforcer notre lutte contre les éléments de Boko Haram, qui continuent à mener des attaques sporadiques [dans le nord-est], mais aussi contre la hausse des kidnappings, contre les violences entre bergers et agriculteurs et contre les violences ethniques instrumentalisées par des politiciens véreux », a-t-il énuméré.

« Il n’y a aucun doute sur le fait que la situation sécuritaire s’est détériorée ces derniers mois, mais aujourd’hui, le Nigeria a besoin de diplomatie », nuance Don Ekereke, consultant en sécurité basé à Lagos. « On a bien vu que l’utilisation de la force n’avait pas fonctionné dans le delta du Niger » contre les militants autonomistes qui ont attaqué les installations pétrolières pendant toute la première année de sa présidence, poursuit-il. « Il n’y a plus qu’à espérer que les services de renseignement, l’armée, ne vont pas faire des excès de zèle pour satisfaire leur maître », s’inquiète Don Ekereke.

Tendances indépendantistes

Malgré des voix qui se sont élevées pendant l’absence du président pour demander sa démission, le chef de l’Etat, 74 ans, a rappelé sa volonté de rester à la tête de ce géant de 190 millions d’habitants. « Je reste résolument déterminé à assurer que mes objectifs soient maintenus et résolus », a-t-il conclu, après avoir évoqué le conflit avec contre le groupe djihadiste Boko Haram, les violences interethniques et les tendances indépendantistes qui se sont développées dans le sud du pays.

« J’ai eu le regret de remarquer, pendant mon absence, que des commentaires, notamment sur les réseaux sociaux, ont dépassé la ligne rouge, mettant en cause la question de l’existence de notre nation », a-t-il souligné. « Notre consensus national est qu’il est préférable de vivre ensemble, plutôt que de vivre séparé », a-t-il martelé, alors que les velléités identitaires sont de plus en plus grandes à l’approche du 1er octobre, jour de la fête nationale.

En juin, un groupe de jeunes musulmans radicaux a donné jusqu’à cette date aux Igbo chrétiens, originaires du Sud, pour quitter le nord du pays. Cet ultimatum, qui rappelle la haine anti-igbo née avant la terrible guerre du Biafra, fait écho aux messages sécessionnistes et virulents de l’IPOB, le mouvement pour les peuples indigènes du Biafra (sud-est), sous l’égide de son chef charismatique, Nnamdi Kanu.