Donald Trump après son discours à Fort Myer (Virginie), le 21 août. / JOSHUA ROBERTS / REUTERS

Editorial du « Monde ». De guerre lasse, le président a fini par se ranger à l’avis de ses généraux. Donald Trump aime pourtant « suivre [son] instinct ». Depuis longtemps, « [son] instinct » lui disait qu’il fallait quitter l’Afghanistan. A maintes reprises, ces dernières années, « [son] instinct » l’avait poussé à diffuser des Tweet tantôt rageurs, tantôt méprisants, à l’égard de ces présidents américains qui s’obstinaient à envoyer des soldats se faire tuer à l’autre bout de la terre. C’est sur cet instinct-là aussi qu’il a fait campagne pour la Maison Blanche, en 2016 : ramener tout le monde à la maison, priorité au pays. America First.

Il faut donc saluer le subit accès de réalisme qui a prévalu dans le revirement opéré lundi 21 août par le président Trump sur l’Afghanistan. En annonçant, dans un discours solennel prononcé sur fond de drapeaux patriotiques à Fort Myer, en Virginie, l’envoi de renforts de troupes dans ce pays où l’armée américaine combat les fondamentalistes islamiques depuis plus de quinze ans, M. Trump a reconnu que, pas plus que ses prédécesseurs George W. Bush et Barack Obama, il n’avait de solution miracle pour ce conflit.

« Un retrait hâtif créerait un vide » que les terroristes auraient tôt fait de mettre à profit, a admis le président. Non seulement il ne rappelle pas les quelque 8 400 soldats actuellement déployés en Afghanistan au sein d’une coalition internationale de 13 000 hommes et femmes, mais il envoie des troupes supplémentaires. M. Trump n’en a pas précisé le nombre, mais il avait autorisé le Pentagone, en juin, à préparer l’expédition de 3 900 militaires.

Cette décision est l’aboutissement d’une tumultueuse bataille menée ces dernières semaines entre les différentes factions qui s’opposent au sein de la Maison Blanche. Elle confirme la montée en puissance des généraux, considérés par les médias comme « les adultes de la bande », après l’éviction de Steve Bannon, l’idéologue ultranationaliste qui fut le conseiller stratégique du président Trump jusqu’à la semaine dernière : M. Bannon était un fervent partisan du retrait d’Afghanistan.

« Il s’agit de tuer des terroristes »

En revanche, tant le chef du Pentagone, le général Jim Mattis, que le conseiller à la sécurité nationale, le général H. R. McMaster, et son adjoint le général Ricky Waddell, qui ont l’expérience de l’Afghanistan, ainsi que le général John Kelly, secrétaire général, qui y a perdu un fils, étaient convaincus qu’un retrait américain aurait, dans les circonstances actuelles, des conséquences catastrophiques pour la région et les Etats-Unis.

Ce n’est visiblement pas un discours que Donald Trump a pris plaisir à prononcer. Pour marquer, malgré tout, sa différence avec Barack Obama, il a évité de donner « un calendrier arbitraire » et de définir les critères de la victoire promise. « Il ne s’agit pas d’un chèque en blanc », a-t-il assuré, ni d’exporter la démocratie : « Il s’agit de tuer des terroristes. »

Tout en restant vague sur sa stratégie, le président américain a laissé entendre qu’il exigerait un engagement sans faille de la part du gouvernement afghan, lancé un avertissement au Pakistan accusé de double jeu et esquissé la possibilité d’une négociation avec les talibans en vue d’une « solution politique ». Mais son ton sombre a surtout révélé une prise de conscience : la guerre d’Afghanistan, une guerre d’usure, lointaine, difficile et ingrate, qui a déjà coûté la vie à plus de 2 000 Américains et à des milliers d’Afghans, est désormais aussi la sienne.