Abdelbaki Es Satty était-il le cerveau de la cellule djihadiste démantelée par la police espagnole après les attentats en Catalogne qui ont fait 15 morts et plus de 120 blessés ? C’est ce que soupçonne la justice du pays.

L’imam marocain est mort la semaine dernière dans une déflagration sans doute liée à des manipulations d’explosifs à Alcanar, à 200 km au sud-ouest de Barcelone, où la cellule à l’origine des attaques préparait « un ou plusieurs attentats », a affirmé, lundi, le chef de la police de Catalogne, Josep Lluis Trapero.

Il était aussi connu de la justice pour avoir effectué, entre 2010 et 2014, un séjour en prison pour trafic de drogue. Depuis deux ans, il résidait à Ripoll, où il louait pour « 150 euros » par mois, selon son colocataire, un deux-pièces décrépi. « Mardi matin [deux jours avant les attaques], il était parti en disant qu’il s’en allait en vacances au Maroc », a raconté, dimanche, un vendeur de fruits venu vivre il y a quatre mois dans l’appartement.

« Il parlait peu, passait du temps avec son ordinateur dans la chambre, avait un vieux téléphone portable sans Internet, peu de livres », a-t-il remarqué.

« La religion au-dessus de tout »

A Ripoll, les commerçants et le voisinage décrivent un homme discret et rigoriste. « Cet imam était normal et ordinaire quand il était en public. S’il a “mangé” le cerveau de ces jeunes, c’est en cachette, dans un endroit secret », estime Mohamed Akhayad, un électromécanicien marocain de 26 ans, qui fréquentait la mosquée Annour, la deuxième de la ville, ouverte en 2016 et où il prêchait.

Dans la rue où vivait le religieux, un peintre décorateur de 64 ans, Francesc Gimeno, dit qu’il « avait la réputation d’être très islamiste, voulait que tous les Marocains pensent comme lui, mettait la religion au-dessus de tout ». Il l’accuse même d’avoir voulu « obliger les femmes marocaines de la ville à se couvrir ». « C’est un mensonge, a réagi Hammou Minhaj, 30 ans, secrétaire marocain de la communauté musulmane de Ripoll. Ici, à la mosquée, il ne disait pas ça. En dehors, je ne sais pas. »

Selon lui, ces deux dernières années, Abdelbaki Es Satty avait aussi séjourné en Belgique où il disait être imam, avant de revenir à Ripoll prêcher dans la nouvelle mosquée. La police a confirmé qu’il avait séjourné dans la commune de Machelen, près de Bruxelles, « entre janvier et mars 2016 ».

L’influence de l’imam

A Ripoll, dans la salle de prière, les noms de deux des 12 membres de la cellule apparaissent dans la liste des donateurs de fonds à la mosquée, dont celui de Younes Abouyaaqoub, le conducteur de la fourgonnette qui a fait 13 morts et 88 blessés sur les Ramblas avant d’être abattu, lundi, par la police après quatre jours de cavale.

A M’rirt, petite ville de 35 000 habitants du centre du Maroc, les proches du jeune homme avaient accusé dès ce week-end « l’imam de Ripoll » d’être le « cerveau » des attentats en Espagne. « Cela fait deux ans que Younes et [son frère] ont commencé à se radicaliser, sous l’influence de cet imam », avait ainsi confié leur grand-père.