Muriel Pénicaud, à l’Assemblée nationale, le 9 août. / JACQUES DEMARTHON / AFP

La réforme du code du travail entre dans une nouvelle phase. Après l’adoption définitive, le 2 août, de la loi d’habilitation autorisant le gouvernement à agir par ordonnances, le ministère du travail ouvre, mardi 22 août, de nouvelles concertations avec les partenaires sociaux. Le gouvernement avait en effet déjà débattu des grandes lignes de sa réforme pendant deux mois de consultations avec les organisations syndicales et patronales entre mi-juin et fin juillet.

Restait aux partenaires sociaux de prendre connaissance des détails de la réforme. Les syndicats découvriront donc, à tour de rôle cette semaine, non pas le contenu in extenso des ordonnances, comme certains responsables le pensaient, mais les « points arbitrés » de la première mouture des ordonnances, sur laquelle planche la direction générale du travail depuis trois semaines.

Le Medef sera la première organisation reçue par le cabinet de Muriel Pénicaud, mardi à 14 heures. Suivront, mercredi, la CFTC (8 h 15), la CFDT (14 h 30) et la CGT (18 heures). Puis, jeudi, la CPME (14 heures) et Force ouvrière (17 heures). Les rencontres se termineront vendredi avec la CFE-CGC (8 h 30) et l’U2P (14 heures).

Les « sujets sensibles » de la réforme

L’objectif affiché de la réforme du code du travail selon la ministre du travail est de promouvoir le dialogue social « au plus près du terrain » afin d’offrir plus de « liberté » aux entreprises tout en améliorant la « protection » des salariés.

Elle s’articule autour de trois grands axes : l’articulation entre accord de branches et d’entreprises, le dialogue social dans les entreprises et la sécurisation des relations de travail.

  • Quel pouvoir pour les employeurs ? Sur le premier thème (qu’est-ce qui relève de la loi, des branches, de l’entreprise et du contrat de travail ?), gouvernement et partenaires sociaux sont parvenus à un relatif consensus. La réforme prévoit d’étendre le champ d’application des accords d’entreprise, mais aussi de renforcer les prérogatives des branches professionnelles, qui jouiraient d’une compétence exclusive sur cinq domaines, dont celui, aujourd’hui du ressort de la loi, permettant de modifier les CDD et d’autoriser les CDI de chantier. Ce dernier point constitue le principal sujet de discorde entre le gouvernement et les syndicats.
  • Comment sera modifié le dialogue social ? La fusion des instances représentatives du personnel (comité d’entreprise, délégué du personnel, CHSCT…) et la possibilité de négocier, dans les PME dépourvues de délégués syndicaux, avec un délégué du personnel non mandaté par un syndicat sont, entre autres, deux mesures combattues par les organisations, qui y voient un contournement de leurs prérogatives. Le recours au référendum, pour valider des « deals » entre les directions de sociétés et les salariés, pourra également être encouragé.
  • Comment va évoluer le licenciement ? C’est l’un des sujets de conflit à venir avec les syndicats de salariés : le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse l’harmonisation des délais de recours aux prud’hommes, ou encore le passage au périmètre national pour apprécier les difficultés économiques des multinationales qui licencient en France. Cette dernière mesure a été adoptée après un amendement présenté par Les Républicains. Elle figurait dans le projet de loi El Khomri en 2016, avant d’être retirée devant la fronde des syndicats. Dans le même temps, les indemnités légales de licenciement, versées par les employeurs, devraient être revues à la hausse, a annoncé Mme Pénicaud.

L’opposition déjà mobilisée, en ordre dispersé

Le gouvernement s’est donné pour cap d’adopter la réforme du code du travail d’ici à la fin de l’été. Mais sans attendre les consultations cette semaine avec les partenaires sociaux, l’opposition s’est déjà mise en ordre de bataille.

Après des semaines houleuses de débat au Parlement, notamment entre députés Insoumis et de la majorité, les députés de gauche ont, le 3 août, déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour « déclarer inconstitutionnelle l’intégralité » de la loi d’habilitation autorisant le gouvernement à agir par ordonnances. Les conseillers ont annoncé qu’ils se prononceraient « dans la semaine du 4 septembre ».

Et la CGT et SUD ont appelé à « une journée d’action et de grève dans toutes les entreprises et services » le 12 septembre contre la réforme engagée, tandis que La France insoumise est à l’initiative d’un « rassemblement populaire » le 23 septembre. La semaine de concertations qui s’ouvre s’annonce houleuse pour la ministre du travail, Muriel Pénicaud.

Faut-il avoir peur d’un gouvernement par ordonnances ?
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