C’est une victoire judiciaire pour les droits des femmes musulmanes. La Cour suprême indienne a interdit, mardi 22 août, le divorce par répudiation express de la femme autorisé dans la communauté musulmane, un dossier brûlant qui touche au cœur de la conception de la laïcité du pays.

« Le triple talaq [divorce] enfreint le Coran et la charia. Il ne fait pas partie des pratiques religieuses et va à l’encontre de la moralité constitutionnelle », a déclaré un panel de cinq juges des principales religions d’Inde – hindouisme, islam, christianisme, sikhisme et zoroastrisme – qui a voté son interdiction par trois voix contre deux.

« Il est manifestement arbitraire d’autoriser un homme à rompre un mariage à sa guise et sur un caprice », ont ajouté les juges dans leur avis.

Selon cette pratique acceptée en Inde, nation pourtant officiellement laïque, il suffit à un homme de prononcer trois fois le mot talaq (« je divorce ») pour répudier sa femme. Des médias ont relayé cas de divorces par lettre, Skype ou même message WhatsApp en Inde.

Le Coran prévoit une procédure de divorce en quatre-vingt-dix jours à partir de la prononciation du premier talaq, un délai de trente jours devant être observé entre chaque talaq afin, selon les spécialistes, de laisser le temps à la réflexion et la réconciliation. La plupart jugent ainsi que le talaq instantané s’écarte des préceptes du Coran.

La domination de l’hindouisme

Plusieurs femmes musulmanes répudiées de cette manière avaient engagé un recours devant la plus haute instance judiciaire du pays pour obtenir l’interdiction de cette procédure. « Les mollahs disaient que c’est un péché mais autorisé. Mais maintenant la Cour suprême a clairement établi que c’est un péché et qu’il n’est pas autorisé », s’est félicité dans la presse Farah Faiz, l’une des plaignantes.

Le gouvernement du premier ministre, Narendra Modi, soutenait le recours contre le triple talaq, l’estimant inconstitutionnel et discriminatoire envers les femmes. Les nationalistes hindous militent de longue date pour un code civil uniformisé.

Mais cette prise de position du pouvoir en place était contestée au sein de la communauté musulmane, même parmi des opposants au triple talaq. Leur crainte sous-jacente est de voir à terme les minorités privées de leurs lois religieuses, avec le spectre de la domination de l’hindouisme, majoritaire dans le pays.

Représentant 180 millions de personnes, soit 14 % de la population, les musulmans sont la première minorité religieuse en Inde, peuplée à 80 % d’hindous.