Un automobile de marque Haval du constructeur chinois Great Wall Motors, à Shanghaï, en mai 2016. / JASON LEE / REUTERS

Après avoir été américaine, puis un peu française (Renault), un peu allemande (Daimler) et désormais un peu italienne (Fiat), la fameuse Jeep sera-t-elle chinoise ? C’est en tout cas ce que semble espérer le groupe automobile chinois Great Wall (« grande muraille »), qui a affirmé, lundi 21 août, avoir des vues sur Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et dont l’objectif réel pourrait être d’acquérir l’une des marques de 4 × 4 les plus célèbres au monde.

« Nous sommes assurément intéressés pour réaliser une acquisition liée à FCA », a déclaré, à l’Agence France-Presse, une porte-parole de Great Wall Motor, lundi, confirmant une information révélée quelques jours plus tôt par Automotive News. Selon ce site spécialisé, la vice-présidente du groupe chinois, Wang Fengying, serait « en contact » avec FCA pour « entamer des négociations » afin d’acheter Jeep.

Pour l’heure, rien n’est moins sûr. Dans un communiqué laconique, le constructeur italo-américain a démenti tout début de négociation : « FCA n’a pas été approché par Great Wall Motor au sujet de la marque Jeep ou de toute autre affaire. » Il est certain que le 7constructeur mondial ne se séparerait pas de sa principale pépite sans de robustes contreparties. Selon les analystes de Morgan Stanley, cités par Les Echos, la marque Jeep vaudrait à elle seule plus de 30 milliards d’euros, soit autant que le reste du groupe FCA (qui englobe aussi Dodge, Ram, Alfa Romeo, Lancia et Maserati).

Atypique

En revanche, côté Great Wall, l’acquisition de Jeep aurait de la cohérence. En Chine, l’entreprise fait figure d’outsider de l’industrie automobile. Septième constructeur national, Great Wall a vendu 1,07 million de véhicules en 2016 et réalisé un chiffre d’affaires de 98,6 milliards de yuans (12,6 milliards d’euros), ce qui fait de lui un nain comparé à ses concurrents. Le 6e constructeur, Shanghai Automotive Industry Corporation, a, lui, produit 6,5 millions de véhicules en 2016.

Great Wall est atypique en Chine. Si les grands acteurs du marché chinois sont encore des entreprises d’Etat, lui est privé. Si la plupart des constructeurs disposent d’une rente confortable grâce aux coentreprises imposées aux constructeurs étrangers qui veulent produire en Chine, ce n’est pas le cas de Great Wall.

Le parcours de la marque doit beaucoup à la personnalité de son ambitieux président, Wei Jianjun, aujourd’hui à la tête d’une fortune estimée à 5,8 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros). Il n’a que 26 ans quand il reprend Great Wall en 1984, à l’époque une entreprise collective de réparation automobile. Wei Jianjun opère un virage vers la production automobile, et lance sa première berline en 1993. Mais, en 1994, de nouvelles régulations réservent la fabrication de berlines à quelques groupes d’Etat.

Great Wall se tourne alors vers les 4 × 4. Le patron a constaté leurs succès à l’étranger. Le nom Great Wall reste peu connu du public jusqu’aux années 2000, mais avec la mode des véhicules tout-terrain, ce qui était un marché de niche devient un marché de masse. Le chinois est bien placé pour profiter de cette demande nouvelle. Grâce à sa marque Haval, le constructeur s’impose sur le secteur, devenant le premier producteur de 4 × 4 urbains (SUV) de Chine.

Un bénéfice net qui a fondu

Puis, vient 2017. Confronté à une concurrence de plus en plus nombreuse et acérée sur son terrain de prédilection, Great Wall voit sa rentabilité et sa croissance s’effondrer au premier semestre. La guerre des prix dans le segment de SUV fait rage en Chine. Résultat, le bénéfice net a fondu de 49 % en ce début d’année.

Wei Jianjun, en bon fils de militaire, réoriente sa stratégie. Objectif : reconstituer les marges. Dans ces conditions, Great Wall vise une montée en gamme vers des véhicules plus chers et plus rentables, une volonté symbolisée par la création d’une nouvelle marque de SUV haut de gamme baptisée WEY.

Un éventuel rachat de Jeep, marque premium réputée pour sa qualité, prend, dès lors, tout son sens. D’autant plus que l’acquisition se ferait dans le secteur automobile, qui échappe aux récentes restrictions visant les investissements des entreprises chinoises à l’étranger, leur interdisant notamment clubs sportifs, hôtellerie, cinémas, immobilier et divertissement.

Et puis, les Jeep sont présentes en Chine depuis 1983 et ont été produites dans l’empire du Milieu à plus de 150 000 exemplaires en 2016, en partenariat avec la société Guangzhou Automobile. Elles sont déjà un peu chinoises.